Cary Grant, De l'autre Côté du Miroir (Becoming Cary Grant)
Mark Kidel (2016)
"Tout le monde voudrait être Cary Grant. Moi aussi, je veux être Cary Grant !". C'est dire si l'icône hollywoodienne reflétait imparfaitement celui qui la projetait. Et ce d'autant plus qu'il a passé une bonne partie de sa vie englué dans un profond trouble identitaire. L'image pleine d'assurance du séducteur dandy au charme absolument irrésistible ne pouvait pas être plus éloignée d'un homme né anglais sous le nom de Archibald Leach dans un milieu modeste. Encore que cet écart a été réduit par Charles CRICHTON dans "Un poisson nomme Wanda" (1988) puisque le personnage joué par John CLEESE se nomme Archie Leach. En attendant, seul un film méconnu "Rien qu'un coeur solitaire" sorti en 1944 (et évoqué dans le documentaire) fait ressortir le prolétaire des bas-fonds de Londres (bien que Cary Grant soit originaire de Bristol) à l'accent cockney sous le smoking de l'homme distingué au sourire craquant, à l'agilité phénoménale (fruit de son ancienne activité d'acrobate) et à la langue bien pendue. C'est d'ailleurs son rôle le plus sombre et le plus tourmenté. Pour le reste, la véritable personnalité de Cary Grant, il fallait la décoder. Ainsi l'aisance physique et verbale n'est pas la seule raison de son talent pour les screwball comédies, l'ambiguïté sexuelle et le travestissement y sont des leitmotiv majeurs. Bien que le documentaire ne s'y attarde que très brièvement, préférant évoquer les cinq mariages de Cary Grant, la bisexualité de ce dernier est maintenant bien connue (elle est évoquée d'ailleurs dans "Le Prenom") (2011). Le morceau de choix pour comprendre l'homme derrière l'artiste reste cependant les films tournés par Alfred HITCHCOCK qui sont longuement analysés. Anglais lui-même, Alfred HITCHCOCK était également passionné par la psychanalyse tandis que Cary GRANT grâce notamment à sa troisième femme avait entamé une thérapie au LSD (alors en vogue en Californie dans les années 50) avec un psychiatre qui lui a permis de faire un travail fructueux sur lui-même. Les films de Alfred HITCHCOCK avec Cary GRANT mettent en scène un homme tourmenté, à l'identité incertaine (le quiproquo de "La Mort aux trousses" mais aussi l'ambiguïté de "Soupcons") (1941) (1959) et se méfiant des femmes ("Soupcons" (1941) là encore mais surtout ce chef-d'oeuvre qu'est "Les Enchaines") (1945). La relation contrariée de Grant avec sa mère puis sa disparition qu'il crut longtemps être un abandon avant de découvrir qu'elle avait été internée par son père puis la distance qu'il conserva vis à vis d'elle ont structuré sa personnalité fuyante qui sur le tard réussit à se rassembler. Dommage que le documentaire, par ailleurs très bien documenté et passionnant ne cite pas la fin de "Charade" (1963) dans lequel Audrey HEPBURN cite tour à tour tous les pseudo dont s'est affublé le personnage joué par Cary GRANT, comme pour mieux les exorciser.
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