Le Juge et l'assassin
Bertrand Tavernier (1976)
"Le Juge et l'assassin" témoigne des qualités du cinéma de Bertrand TAVERNIER:
- Une talent manifeste pour incarner l'histoire, amenant la reconstitution du passé sur le terrain du présent, de l'urgence, du documentaire et la mettant à hauteur des individus. D'ailleurs, l'intrigue du film s'inspire d'une histoire authentique ayant défrayée la chronique à la fin du XIX° siècle. Celle du parcours criminel de l'un des premiers serial killers français, Joseph Vacher devenu dans le film Joseph Bouvier et surnommé le "jack l'éventreur du sud-est". Ses crimes sont contemporains de l'Affaire Dreyfus et de l'émergence de la presse à grand tirage qui a médiatisé ces affaires ce dont le film se fait l'écho.
- Cela va de pair avec un amour pour le cinéma français de patrimoine dénigré par la nouvelle vague que Bertrand TAVERNIER nous a invité à redécouvrir dans "Voyage a travers le cinéma francais" (2016) et qu'il a remis en selle en faisant appel au duo de scénaristes emblématiques formé par Pierre BOST peu avant sa mort et Jean AURENCHE.
- Une attirance pour les personnages complexes voire amoraux à rebours de tout manichéisme. Si on ne perd jamais de vue l'horreur des crimes commis par Joseph Bouvier, celui-ci apparaît à l'image de Conan comme à la fois bourreau et victime. Il suscite aussi bien l'horreur que la pitié ce qui en fait un personnage tragique (ce que soulignent les superbes paysages ardéchois dans lesquels il vagabonde). Son antagoniste, le juge Rousseau s'avère derrière son apparente bonhomie être aussi bien arriviste que manipulateur.
- De fructueuses collaborations avec les acteurs qu'il a souvent lancé ou relancé tels que ici Philippe NOIRET, la regrettée Christine PASCAL (que l'on voit à la fin du film) ou encore Isabelle HUPPERT. Véritable génie du casting, Bertrand TAVERNIER savait les mettre en valeur comme personne. Dans "Le juge et l'assassin", la prestation à contre-emploi de Michel GALABRU, puissante et saisissante lui a valu un César.
Alors oui, parfois Bertrand TAVERNIER a la main un peu trop lourde sur la lutte des classes et le didactisme avec un final quelque peu superflu mais cela n'altère pas la qualité de l'ensemble.
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