Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau
Gints Zilbalodis (2024)
Hayao MIYAZAKI n'en finit pas de faire des petits. En témoigne ce très beau film qui s'inspire de ses oeuvres post-apocalyptiques et plus précisément de sa série "Conan, le fils du futur" (1978). Autre inspiration majeure, celle de Alfonso CUARON, notamment dans l'art de faire monter la tension à l'intérieur de plans-séquence. Enfin, l'influence du jeu vidéo est manifeste dans le caractère immersif du film avec une caméra qui rase le sol dans les courses-poursuite, plonge avec le chat ou vole avec les oiseaux. Cependant, les choix de Gints ZILBALODIS sont bien plus radicaux que ceux dont on a l'habitude dans ce type de récit. C'est à une expérience de désanthropisation qu'il nous convie, tant sur la forme que dans le fond. Non seulement les hommes sont totalement absents du film, sinon par les traces qu'ils ont laissé mais celui-ci refuse toute forme d'anthropomorphisme et est donc dépourvu de dialogues. Les héros de l'histoire sont des animaux au comportement réaliste qui tentent de survivre à une brusque montée des eaux, thème d'une brûlante actualité. Le film raconte ainsi la cohabitation forcée à bord d'une barque de fortune entre un chat solitaire, un capybara paresseux, un lémurien collectionneur d'objets qui brillent, un chien labrador séparé de sa meute et un échassier estropié et rejeté par les siens. Leur périple, semé d'embûches suscite des émotions mélangées. La nature est dépeinte comme à la fois merveilleuse et terrifiante, notamment dans l'imprévisibilité et la puissance dévastatrice de ses manifestations alors que l'anthropocène en ruines continue à marquer les paysages et invite à la contemplation et à la rêverie. Quant aux animaux, ils doivent s'adapter pour survivre c'est à dire apprendre à vivre ensemble alors qu'ils appartiennent à des espèces différentes (ce qui remet en question les idées reçues sur la prétendue "loi de la jungle" au profit d'une solidarité qui n'est pas sans rappeler l'arche de Noé), acquérir des compétences pour conduire le bateau et apprivoiser leur environnement ce qui renvoie au titre du film. On remarque également que le réalisateur a voulu effacer les repères spatiaux-temporels. Les ruines, monumentales, sont difficilement datables (on pense autant à l'antiquité grecque qu'à des temples asiatiques) et les animaux viennent d'horizons divers.
Commenter cet article