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Un Peuple et son Roi

Publié le par Rosalie210

Pierre Schoeller (2018)

Un Peuple et son Roi

Il y a des éclairs de génie dans "Un peuple et son roi", à l'image de cette pierre de la Bastille qui tombe, faisant symboliquement entrer le soleil dans le quartier populaire du faubourg Saint-Antoine. Comme un mai 1968 avant la lettre ("Let the sun shine, let the sun shine in"). Dans le même esprit, il y a cette petite fille qui danse au milieu des plumes échappées des oreillers éventrés lors de l'assaut des Tuileries du 10 août 1792. Mais le problème, c'est que ces moments visionnaires ne parviennent pas à s'assembler pour former un tout cohérent et puissant qui nous emporte tout en nous éclairant sur une période historique riche et complexe. En effet, où que l'on se tourne, le film apparaît bancal. Sur le plan historique tout d'abord, le film s'intitule "Un peuple et son roi" mais il ne respecte pas le contrat en introduisant un troisième protagoniste: l'assemblée législative. Or cette assemblée, le film en escamote complètement les origines ce qui d'ailleurs explique que la prise de la Bastille soit évoquée sans être expliquée (attaquer un symbole de l'arbitraire royal oui mais pourquoi à ce moment là? Aller prendre de la poudre, oui mais dans quel but?) C'est ennuyeux parce que soit il ne fallait pas en parler du tout, soit il fallait au moins montrer qu'elle était issue d'un vote populaire et qu'elle représentait les aspirations populaires, au moins à ses débuts. Cela aurait permis de mieux comprendre le fossé croissant entre la bourgeoisie (bien représentée à l'assemblée) et les classes populaires (réduites au rang de spectateurs et privées du droit de vote) jusqu'à la rupture définitive de la fusillade du champ de Mars du 17 juillet 1791. Mais on s'éloignait sans doute trop du sujet. Autre problème majeur, l'escamotage quasi complet du clergé et de la noblesse, les ordres privilégiés qui tout autant que le roi étaient au coeur du pouvoir sous l'Ancien Régime. Dans le film de Pierre SCHOELLER, on a l'impression que le roi gouverne seul et qu'il est la seule cible des soulèvements populaires. Or le film escamote complètement la grande peur, jacquerie qui s'est répandue dans la majorité des campagnes françaises à la suite de la prise de la Bastille et a conduit à l'abolition des privilèges puis à l'adoption de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le versant sombre des émeutes populaires comme les massacres de septembre 1792 est également ignoré. De même que le rôle des soldats fédérés dans l'assaut des Tuileries. Il faut dire que les personnages issus du peuple sont à une exception près des artisans et ouvriers parisiens. Et l'exception, c'est un vagabond pas vraiment représentatif de la paysannerie française (et puis choisir Gaspard ULLIEL, ça fait très "Jacquou le croquant"). On a donc une vision de l'histoire abusivement simplifiée. Car sur le plan romanesque, ce n'est guère plus convaincant. Pierre SCHOELLER tente de relier petite et grande histoire en suivant toute une série de personnages, célèbres ou anonymes mais fatalement, il s'éparpille. Plus ennuyeux encore, il alterne des scènes qui se veulent épiques (mais qui manquent d'ampleur, faute de moyens?) et des joutes oratoires très statiques à l'assemblée. C'est dommage au regard de la qualité du casting (Olivier GOURMET est une fois de plus excellent tout comme Laurent LAFITTE dans le rôle d'un Louis XVI dépassé par les événements) et le réalisateur fait un effort louable pour mettre en avant le rôle des femmes (les lavandières jouées par Adele HAENEL et Izia HIGELIN). Mais il est noyé sous le poids d'une Histoire trop lourde pour ses frêles épaules.

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