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Pays de cocagne

Publié le par Rosalie210

Pierre Etaix (1969)

Pays de cocagne

"Pays de cocagne" est le dernier des cinq long-métrages de Pierre ETAIX et son premier et seul documentaire. C'est en suivant sa femme Annie FRATELLINI qui faisait une tournée des plages durant l'été 1969 pour le podium d'Europe 1 que Pierre ETAIX découvre la France du tourisme de masse dont il dresse un portrait particulièrement corrosif. Son précédent film "Le Grand amour" (1968) qui était son premier film en couleur amorçait déjà un virage entre la poésie tendre de ses débuts et la satire sociale mais "Pays de cocagne" va beaucoup plus loin dans l'humour grinçant. Par le biais du montage (qui a duré près de huit mois alors que le tournage n'en a pris que trois) et de la bande-son, Pierre ETAIX dézingue à tout va la mocheté de la France des années Pompidou (celle-là même que quelques années plus tard, Bertrand BLIER va à son tour prendre pour cible avec "Les Valseuses") (1974). Alors certes, les reproches qui lui ont été faits à propos de sa condescendance vis à vis de la France d'en bas ne sont pas tous infondés. Parfois son insistance à filmer et faire témoigner des gens bêtes, vulgaires et disgracieux fait penser aux "sans-dents" de François Hollande. Mais beaucoup de ses observations sont justes. Oui la Grande-Motte qu'il filme horrifié à au moins trois reprises est un cauchemar architectural, une dystopie de béton avec ses figures géométriques anxiogènes. Le parallèle avec les casernes HLM construites au même moment pour les mêmes populations s'impose et Pierre ETAIX créé une symphonie de l'enfermement, de l'uniformisation et de la promiscuité. Pendant qu'une voix s'extasie sur les vacances, il fait entendre les braillements des gosses, les tentes toutes semblables qui jouent à touche-touche comme les parasols et les serviettes sur les plages bondées, les sanitaires de campings à la propreté plus que douteuse. Il filme aussi des animations dégradantes dans lesquelles les caravanes publicitaires envoient des objets à la foule qui se jette dessus comme une meute de chiens affamés (aspect dont j'ai été témoin sur le Tour de France qui est d'ailleurs également montré au début du film). Ou bien des variantes dans lesquelles il faut grimper à un poteau pour attraper des produits, des jeux répugnants avec de la nourriture ou encore des prestations vocales plus risibles les unes que les autres. D'une certaine manière, "Pays de cocagne" est l'antithèse de "Les Vacances de Monsieur Hulot" (1952) et ce miroir tendu à "La France moche" a valu à Pierre ETAIX de tomber en disgrâce.

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