Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

All we imagine as light

Publié le par Rosalie210

Payal Kapadia (2024)

All we imagine as light

En dépit du grand prix obtenu à Cannes, "All we imagine as light" est bien parti pour rester un film confidentiel, peu distribué et projeté dans de petites salles. C'est avant tout un film d'atmosphère, construit sur un contraste entre l'effervescence de Mumbai et le calme apparent d'un village au bord de la mer. D'une nuit bleutée filmée à l'aube en caméra cachée à la façon d'un documentaire émergent trois femmes qui ont en commun d'avoir comme des centaines de milliers d'autres habitants de l'Inde quitté leur village pour une vie meilleure dans la métropole économique du pays. Une vie meilleure toute relative avec des maux communs aux autres grandes villes d'Asie: le surpeuplement, la promiscuité mais aussi la gentrification qui grignote l'espace de vie déjà restreint des classes populaires au profit des privilégiés. S'y ajoute la question du communautarisme qui aussi bien issu du système des castes que du modèle anglo-saxon fait cohabiter les groupes en leur interdisant de se mélanger. Ainsi que celle d'une condition féminine marquée par l'empêchement.

Le poids du patriarcat est en effet un autre thème majeur. Prabha, Ranu et Parvaty, les trois héroïnes du film travaillent dans le même hôpital. La troisième qui est la plus âgée est sur le point de se faire expulser de son logement qui va être rasé. La première et la deuxième qui sont colocataires ont beau travailler, elles sont victimes du poids des traditions et du machisme. Prabha a été mariée à un homme qui l'a délaissée pour partir travailler en Allemagne et s'interdit d'aimer à nouveau alors que Ranu est amoureuse d'un musulman qu'elle ne peut fréquenter que clandestinement. Elle rêve de se donner à lui mais cela aussi est impossible: ils n'ont nulle part où se réfugier, l'intimité leur est interdite.

Réunies à la ville, les trois femmes le sont aussi à la campagne lorsque Prabha et Ranu accompagnent Parvaty qui décide de retourner dans son village. Par rapport au tumulte de Mumbai, filmé comme un carrousel de lumières rouges et bleues, le village apparaît comme un havre de paix, propice à l'échappée onirique et spirituelle. Chacune d'elle semble y revivre et une lueur d'espoir jaillit enfin dans la prise de conscience de leur condition commune et de la nécessité de se serrer les coudes pour gagner en liberté. On assiste au triomphe du naturel sur l'ordre social mais celui-ci a été gagné de haute lutte et l'avenir de Prabha et Ranu reste en suspens. "All we imagine as light" est un film assez lent, voire languide et comme beaucoup de films d'auteur/d'autrices asiatiques, très esthétique mais il n'est ni abstrait, ni abscons. Contrairement aux films de Apichatpong WEERASETHAKUL ou à "L'Arbre aux papillons d'or" (2023), l'être humain reste au centre du récit. De même, la société dans laquelle il vit est montrée avec un réalisme documentaire.

Commenter cet article