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Un été afghan

Publié le par Rosalie210

James Ivory et Giles Gardner (2022)

Un été afghan

Le cinéaste James IVORY me passionne et me questionne. Pourquoi cet américain a-t-il éprouvé un tel besoin de sortir de lui-même, d'aller explorer d'autres contrées et de créer un cinéma aussi "extraterritorial". La réponse se trouve peut-être dans ce documentaire réalisé en 2022. James IVORY alors âgé de 94 ans explique la genèse de sa singularité à travers un voyage effectué en Asie centrale en 1960. A l'origine, il avait décroché une bourse pour réaliser un documentaire sur les miniatures indiennes, mais ne supportant pas le climat étouffant du pays, il a fui dans les montagnes afghanes au climat plus tempéré (d'où le titre en VO, "A cooler climate"). Il a eu alors l'idée d'y tourner des images dans l'idée d'en faire un second documentaire mais finalement, celui-ci n'a jamais vu le jour et les images sont restées à l'état de rushes.

Le spectateur d'aujourd'hui curieux de voir à quoi ressemblait l'Afghanistan en 1960 en sera pour ses frais tant le pays semble avoir peu changé. Dépeint comme figé depuis le Moyen-Age, on constate sa pauvreté extrême, l'insécurité qui y règne hors des villes et la domination sans partage des hommes dans la vie publique. Les femmes n'en sont pas complètement bannies certes contrairement à aujourd'hui mais une bonne partie d'entre elles portent déjà la burqa, les autres dépeintes comme "occidentalisées" se contentant du hijab. De même, le séjour de James IVORY à Bamiyan permet de se rendre compte que le Bouddha a été déjà très endommagé bien avant sa destruction complète en 2001. Enfin le contexte de guerre froide est rappelé. Même si la guerre n'y fait pas encore rage, les deux grands se disputent les faveurs du pays à coup de grands travaux d'infrastructures.

Mais le vrai propos de James IVORY est ailleurs. Durant son voyage, il lit le Babur-Nama, l'autobiographie du premier Moghol des Indes ayant vécu à l'époque de la Renaissance. Il s'identifie à cet homme raffiné venu lui aussi se "rafraîchir" en Afghanistan et aux penchants nettement homosexuels. D'ailleurs, James Ivory prend soin de préciser qu'il a découvert l'existence de Babur dans les oeuvres de E.M. Forster dont on sait qu'il adaptera plus tard plusieurs de ses romans avec le succès que l'on sait. Quant aux documentaires sur les miniatures indiennes, qu'il a achevé celui-là et projeté à New-York, il a été à l'origine de sa rencontre avec Ismail MERCHANT et Ruth PRAWER JHABVALA, les deux autres membres du triangle magique à l'origine de ses plus beaux films. C'est ainsi que les boîtes contenant les pellicules de ce passé deviennent une madeleine de Proust, l'auteur de la recherche du temps perdu étant lui aussi une lecture favorite du cinéaste durant ce temps-là.

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