Le Bon et les méchants
Claude Lelouch (1976)
Excellent film de Claude LELOUCH dont j'ai particulièrement apprécié l'ironie. J'ai mis quelques minutes à entrer dedans, histoire de m'habituer à la couleur sépia et de comprendre où il voulait en venir mais une fois la machine lancée, on se régale jusqu'aux dernières secondes. Tout le sel de ce film provient de la manière avec laquelle Claude LELOUCH brouille les frontières entre le bien et le mal, les "gentils" et les "méchants", pas très loin finalement d'un Sergio LEONE dans "Le Bon, la brute et le truand" (1966). Mais si la cible du réalisateur italien était la morale religieuse, celle de son homologue français vise la bourgeoisie collaborationniste et le fonctionnement de l'Etat sous et après Vichy. Car rappelons qu'en 1976, celui-ci n'avait pas reconnu sa responsabilité dans les crimes commis pendant l'Occupation. Le tout avec un ton mi espiègle, mi grinçant et un mélange de légèreté et de gravité qui fait mouche. Dans un premier temps, c'est la légèreté qui l'emporte. On suit d'un côté deux petits malfrats, Jacques et Simon joués par Jacques DUTRONC et Jacques VILLERET, bientôt rejoints par une prostituée, Lola (Marlene JOBERT) qui se met en couple avec Jacques. Ces trois-là suscitent en dépit de leurs forfaits une certaine sympathie de par la joie de vivre qui les anime et leur côté libertaire, mis en valeur par Lelouch via un montage alterné qui contraste avec l'union guindée de Dominique (Brigitte FOSSEY) issue d'une famille bourgeoise maurassienne avec l'inspecteur Deschamps (Bruno CREMER). Tout ce petit monde se retrouve pourtant compromis avec la Gestapo française lorsque la guerre éclate. Les liens du régime de Vichy comme de l'Allemagne nazie avec la pègre sont en effet évoqués. Avec la spoliation des juifs il y a plein d'opportunités à saisir pour les plus combinards alors que le carriériste Deschamps ressemble de plus en plus à un certain Maurice Papon. Et la conscience morale dans tout ça? Elle viendra des femmes, Lola qui ne veut pas que son homme se rende complice d'un crime de guerre et Dominique qui ne supporte pas la collaboration. C'est par elles que viendra la gravité car elles en paieront le prix fort. Un sacrifice qui permettra à leurs compagnons, eux aussi éprouvés, d'être décorés pour faits de Résistance après la guerre. Mais le seul des deux dont la conscience a réellement basculé n'est pas celui qu'on croit. Et suprême ironie, que ce soit volontaire ou pas, le chef de la Résistance dans le film est joué par Serge REGGIANI. Soit le faux résistant et le vrai traître de "Marie-Octobre" (1958)...
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