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Le Roi de coeur

Publié le par Rosalie210

Philippe de Broca (1966)

Le Roi de coeur

Décidément, la filmographie de Philippe de BROCA réserve bien des surprises. Après "Chere Louise" (1972), un autre film méconnu de lui (parce qu'ayant été un échec à sa sortie) est remis en lumière, "Le roi de coeur". Même si j'ai trouvé que les acteurs surjouaient et que le film comportait des longueurs, l'intrigue me paraissant davantage convenir à un moyen qu'à un long métrage, le pas de côté antimilitariste effectué par le cinéaste ne manque pas de charme. Le film a pour cadre le théâtre d'un village abandonné que les allemands ont décidé de faire sauter à la fin de la première guerre mondiale (Marville en réalité Senlis). Un soldat britannique, francophone et colombophile (manière de souligner son pacifisme foncier, comme dans le très beau "Les Fragments d'Antonin") (2006) est envoyé en mission (suicide) pour désamorcer la bombe. Mais celui-ci réussit à échapper aux allemands en se réfugiant chez les fous et en se faisant passer pour l'un d'entre eux. C'est ainsi que naît le roi de coeur (Alan BATES) aux côtés du duc de trèfle (Jean-Claude BRIALY) et de monseigneur marguerite (Julien GUIOMAR). Ce n'est qu'un petit échantillon de ce qui constitue selon moi la plus belle scène du film, lorsque les aliénés décident d'investir la ville désertée dans un mouvement carnavalesque. Chacun fouille dans les lieux, revêt les habits de son personnage et l'on découvre alors Micheline PRESLE sous les traits d'une tenancière de bordel, Mme Eglantine, Michel SERRAULT sous celui d'un coiffeur maniéré qui préfigure "La Cage aux folles" (1978) ou encore Pierre BRASSEUR dans le rôle du général géranium. Bref, deux ans avant mai 1968, Philippe de BROCA a inventé le flower power des patronymes. L'idée est fort belle, de même que la parade colorée qui illumine les rues grises un peu à la manière d'une comédie musicale (avec la BO de Georges DELERUE et la photographie de Pierre LHOMME). J'ai pensé à "Le Joueur de flute" (1971) de Jacques DEMY qui montrait des saltimbanques comme une bouffée d'oxygène dans un bourg sclérosé par la haine antisémite d'autant qu'en s'enfuyant, les habitants de Marville ont laissé une ménagerie de cirque (celle de Jean RICHARD) qui a également l'occasion de s'échapper de sa cage. Tandis que l'une des filles de Mme Eglantine, Coquelicot (Genevieve BUJOLD dix ans avant "Obsession") (1976) s'essaie au funambulisme sous les yeux de Charles alias le roi de coeur avec lequel elle entame une idylle. Mais comme dans "Le Joueur de flute" (1971), la parenthèse enchantée n'est pas destinée à durer. Charles dont on peut imaginer qu'il est le double de Philippe de BROCA a quant à lui définitivement choisi son camp et la fin repose également sur une belle idée paradoxale de liberté en cage après que chacun se soit dépouillé des insignes qui l'encombrait.

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