Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La Divine Croisière

Publié le par Rosalie210

Julien Duvivier (1928)

La Divine Croisière

Comme tant d'autres films muets, "La Divine Croisière" fut considéré comme perdu durant des décennies et amputé quasiment de moitié après une première jugée désastreuse. Cependant une copie quasi-complète du film parvint jusqu'à nous. Puissant et déconcertant à la fois, "La Divine Croisière" est un film inclassable qui évoque le cinéma de Fritz LANG, Frank BORZAGE, Sergei EISENSTEIN, Abel GANCE ou encore Ingmar BERGMAN bien plus que celui de son réalisateur, Julien DUVIVIER. C'est peut-être l'envie d'expérimenter qui l'a poussé sur cette voie inhabituelle et hybride tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, l'aspect documentaire, celui de la vie et des rites d'un petit village breton côtoie des fulgurances quasi fantastiques et des emballements (celui des éléments et des foules) alternant rapidement plans d'ensembles et gros plans, comme dans "Le Cuirasse Potemkine" (1925). Sur le fond, on est au croisement du réalisme social avec au centre du récit un conflit entre un armateur et ses employés, du film de mutinerie, de la robinsonnade et enfin du surnaturel à connotation religieuse. Cette hybridité se retrouve jusque dans l'attelage hétéroclite parti à la rescousse de l'équipage de la Cordillière porté disparu. A bord du "Maris Stella" ("L'Etoile des mers"), on retrouve outre les marins, un curé, un petit garçon embarqué clandestinement et une femme, Simone Ferjac, guidé comme Jeanne d'Arc par une apparition divine. A l'opposé de cette équipée mystique, l'équipage de la Cordillière a perdu le nord en se laissant entraîner par une crapule, Mareuil qui a neutralisé le capitaine, Jacques de Saint-Ermont, lequel n'est autre que celui que Simone aime: amour et foi se mêlent comme chez Frank BORZAGE pour faire des miracles! L'ambiance fiévreuse du film tient en haleine et procure son lot de moments forts tels que le meurtre commis par Mareuil, l'assaut de la demeure de l'armateur par les gens du village, la fiesta alcoolisée sur le pont qui aboutit au naufrage, l'incendie sur l'île déserte ou encore l'enlisement de Mareuil dans les sables mouvants. Un film aussi puissant et habité qu'une toile du Caravage.

Commenter cet article