Avoir vingt ans dans les Aurès
René Vautier (1972)
« La place d’un homme, dans un pays puissant, est d’être avec les plus faibles, avec ceux d’en face »
(René Vautier dans un entretien avec Antoine de Baecque, 2001)
Cette citation en forme de manifeste définit bien qui était Rene VAUTIER. Un cinéaste engagé contre toutes les formes de domination occidentales, auteur du premier film anticolonialiste, "Afrique 50" et dont l'oeuvre majeure "Avoir 20 ans dans les Aurès", tourné 10 ans après la fin de la guerre d'Algérie est tout comme celle de son compatriote italien Gillo PONTECORVO, communiste lui aussi un jalon majeur de la représentation de cette guerre de décolonisation au cinéma. Et ce alors que sa véritable nature était niée par l'Etat français qui a maintenu jusqu'en 1999 la fiction d'une Algérie comme morceau du territoire français où auraient eu lieu des opérations de maintien de l'ordre. Remettre en question cette version, c'était s'exposer à des mesures de rétorsion donnant une tout autre image de la France que celle des pays des droits de l'homme Rene VAUTIER a donc subi une violence d'Etat (censure, prison) doublée de celle des extrémistes d'extrême-droite (il a notamment contribué à révéler le rôle joué par Jean-Marie Le Pen pendant la guerre).
"Avoir 20 ans dans les Aurès" est une fiction qui se base sur des centaines de témoignages d'anciens appelés, une méthode qui a été par la suite reprise, par exemple par l'excellent "Warriors : L'impossible mission" (1999) sur la guerre de Bosnie. L'histoire a quant à elle sans doute inspiré celle de "L'Ennemi intime" (2007): des soldats innocents (ou variante, insoumis) transformés en bourreaux après avoir été plongés dans la réalité de la guerre. Leur endoctrinement par le lieutenant Perrin (Philippe LEOTARD), la perte des repères moraux lié à l'état de guerre et le phénomène grégaire ont pour effet d'effacer les individualités et les responsabilités, permettant le passage à l'acte violent (meurtres, tortures, viols, pillages). Cette partie du film pour intéressante qu'elle soit est cependant trop intellectualisée, les discours l'emportant sur le langage cinématographique. L'unité de lieu et d'action a également tendance à brouiller la frontière entre les flashbacks et le présent du film, rendant la progression dramatique confuse. La deuxième partie, basée sur le récit d'un déserteur est plus percutante cinématographiquement parlant. On y voit le seul membre du groupe n'ayant pas renoncé à ses convictions pacifistes, Noël (Alexandre ARCADY le futur réalisateur) s'enfuir dans le désert avec le condamné qu'il était chargé de surveiller dans le but de gagner la Tunisie (pays où le film a été tourné et qui a également été impliqué dans la guerre comme le rappelle d'atroces archives de massacres). Une errance bouleversante à la fin terrible qui frappe l'esprit.
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