Inchallah un fils (Inshallah Walad)
Amjad Al Rasheed (2024)
J'ai beaucoup aimé "Inchallah un fils", film venu de Jordanie, un pays ayant souvent servi de décor pour des superproductions hollywoodiennes mais dont la production cinématographique est rare et composée pour l'essentiel de jeunes pousses. Ainsi "Inchallah un fils" est un premier film et le premier film jordanien présenté au festival de Cannes. Et son sujet ne se réduit pas à ce qu'on lit partout à savoir le combat d'une veuve pour conserver ses biens, son indépendance et la garde de sa fille après la mort subite de son mari alors que les lois de son pays peuvent l'en priver au profit des hommes de sa famille parce qu'elle n'a pas de fils*. L'ambition du film est plus large et raconte la prise de conscience par Nawal de l'oppression patriarcale qu'elle subit au quotidien dans tous les aspects de sa vie y compris rétrospectivement dans son mariage. Ce dernier aspect se précise par petites touches: le pick-up laissé par le défunt que Nawal ne sait pas conduire, les papiers prouvant les apports financiers de Nawal dans l'achat du logement que son mari n'a pas signé et enfin son portable qu'elle ne peut pas débloquer alors qu'il continue de sonner, signe que celui-ci lui cachait sans doute une ou plusieurs liaisons sans parler du fait qu'elle n'était pas au courant qu'il avait quitté son travail. Ces détails dressent en creux un portrait peu flatteur dudit mari même s'il est surpassé par son frère qui tel un vautour saute sur la veuve pour lui réclamer l'argent dû par son mari et des droits sur sa succession, n'hésitant pas à user de tous les moyens, légaux et illégaux pour parvenir à ses fins. Mais en dépit de ce harcèlement qui ne s'arrête pas au beau-frère mais se manifeste également au travers d'un collègue de travail insistant et dans la rue sans parler d'une métaphorique souris qui s'empare de l'espace de la cuisine, Nawal oppose une résistance acharnée, décidant de défendre pied à pied cette liberté qu'elle découvre avec la mort de son mari, quitte à bluffer et à esquiver voire à soutenir des pratiques clandestines en s'affranchissant des normes religieuses. Même si le film semble montrer une descente aux enfers, il est plus subtil que ça et décrit en même temps une femme qui se cherche, expérimente, décide, bref, prend enfin sa vie en mains.
* Une discrimination de genre quant au patrimoine (le terme lui-même est genré) qui a également longtemps été légale dans de nombreux pays occidentaux (en France il n'est égalitaire que depuis 1985!) et qui perdure dans les stratégies de nombreuses familles.
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