Polar Park
Gérald Hustache-Mathieu (2023)
En regardant la mini-série "Polar Park", j'avais en tête la phrase de Wim WENDERS "C'est quelqu'un qui est né dans un paysage trop petit pour lui". Comment filmer de grands espaces aux accents très américains au sein d'un petit village français? En créant grâce à la magie du cinéma un lieu ni d'ici, ni d'ailleurs. Alors certes, Mouthe, estampillé "village le plus froid de France" a vraiment l'hiver des airs de Canada, d'Alaska ou de Middle West sous blizzard. Mais il est également évident que les équipements vastes et dernier cri montrés dans la série (piscine, médiathèque) ne sont pas ceux d'une commune de 900 habitants. Peu importe car ce décalage fait une partie du charme de la série. A l'image d'un film sorti récemment "L'Autre Laurens" (2023) dans lequel joue également Olivier RABOURDIN. L'autre aspect qui rend cette série très contemporaine, c'est son message sous-jacent que l'on peut résumer avec une autre phrase, de mon cru cette fois "chercher l'indien qui est en soi". C'est exactement la piste que suit le romancier de polars David Rousseau (Jean-Paul ROUVE) dont la double quête (connaître ses véritables origines, retrouver l'inspiration) s'effectue sous le signe du retour à la nature. Non sans difficultés, il parvient à convertir à sa "pensée magique" sensible aux rêves, aux esprits, aux signes, à l'art, aux coïncidences, aux associations d'idées bref à tout ce qui échappe à la raison le gendarme Louvetot (Guillaume GOUIX) qui vit dans le refoulement de sa véritable nature justement et que Rousseau surnomme dans ses écrits "Le Loup" (comme dans "Le Regne animal") (2023)). Alors bien sûr que l'on pense à "Fargo" (1995) parce que enquête policière, parce que neige, parce que casquettes à oreillettes, parce que trio de tueurs improbable et loufoque. On pense aussi à David LYNCH parce que oreille coupée, parce que cheminement tortueux dans l'inconscient. Mais le film auquel la série m'a fait le plus penser est "Dead Man" (1995) parce que neige tirant la photo vers le noir et blanc parce que forêt, parce que tipi, parce que sacré, parce que poésie parce que sagesse chamanique. Rien que les titres des romans de Rousseau sont un régal pastichant les titres de films et de chansons célèbres: "Apocalypse plus tard", "Orange balsamique", "Drôle de brame" ou "La groupie du botaniste" alors que les crimes reconstituent de célèbres tableaux et sculptures et que les enquêtes s'orientent vers des jeux de lettres au scrabble et des films à plusieurs dimensions ("Shining" (1980), "Orphee" (1949) etc.)
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