Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un homme est passé (Bad day at Black Rock)

Publié le par Rosalie210

John Sturges (1955)

Un homme est passé (Bad day at Black Rock)

"Un homme est passé" est le premier film de John STURGES que je vois grâce au Cinéma de minuit qui comme la plupart des émissions et sites dédiés au cinéma s'est mis à l'heure du festival de Cannes. En effet Spencer TRACY y avait reçu le prix d'interprétation pour le personnage de Macreedy.

John STURGES a la réputation d'être un cinéaste inégal, "Un homme est passé" est en tout cas à placer en haut du panier. C'est une petite merveille d'efficacité dramaturgique respectant les trois unités du théâtre classique. Le décor, celui d'un western à peine modernisé par les voitures souligne à quel point le voyageur qui s'arrête à Black Rock entre dans un univers vivant sous cloche, hors de l'espace-temps. D'ailleurs, cette impression se confirme dans le contraste entre le costume moderne et urbain de Macreedy et ceux des hommes du village, tous vêtus de tenues de cow-boy. De même, l'allure des bâtiments comme leur décoration semble ne pas avoir évolué depuis un siècle. Néanmoins la suite de l'histoire évoque moins le western que le thriller, Macreedy faisant penser à un privé par son allure et par son comportement (et à Groucha, le présentateur félin de "Téléchat" avec son bras plâtré dont les séquences au Milk bar ressemblaient à celles des films noirs). Macreedy est en effet manchot ce qui ajoute une dose de mystère à sa présence en un lieu qui manifeste ostensiblement son hostilité vis à vis des étrangers. Les différents spécimens humains qu'il croise sur sa route offrent en effet autant de variations sur les tares de la communauté vivant en autarcie sous la loi mafieuse des terreurs du coin, lesquelles sont incarnées par des acteurs habitués à ce type de rôle: Robert RYAN dans le rôle du "parrain" flanqué de deux grosses brutes incarnées par Lee MARVIN et Ernest BORGNINE. La scène où Macreedy corrige ce dernier après les multiples provocations et humiliations qu'il lui a infligées est un moment hautement jouissif. Mais si Macreedy, un vétéran de la seconde guerre mondiale a du sang-froid et de l'expérience, ce n'est pas un justicier ni un redresseur de torts, encore moins un homme invincible puisqu'il n'est pas armé et est handicapé. Il se rend juste à Black Rock pour solder une dette d'honneur et appuie sans le vouloir là où ça fait mal, déclenchant un engrenage fatal. Par-delà sa dénonciation du racisme, le film, tourné dans le contexte du maccarthysme (à la même époque que "Johnny Guitar" (1954) où jouait aussi Ernest BORGNINE) épingle la lâcheté collective et les lynchages, faisant penser par son intrigue à un "Jean de Florette" (1986) à la sauce américaine bien que la présence de Spencer TRACY ait des relents de "Furie" (1936). Heureusement, son personnage n'est pas tout à fait seul. Il peut compter sur le sidekick préféré du western alias Walter BRENNAN, quatre ans avant "Rio Bravo" (1959).

Commenter cet article