Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Narcisse noir (Black Narcissus)

Publié le par Rosalie210

Michael Powell, Emeric Pressburger (1946)

Le Narcisse noir (Black Narcissus)

"Le Narcisse noir" est le film qui précède "Les Chaussons rouges" (1947): deux titres qui fonctionnent en écho. Il y est question de passion, de frustration (et de répression) sexuelle et donc logiquement, d'hystérie, de vertige de la chute, de folie, de suicide. Avec une dimension irréelle lié aux choix esthétiques (décors de studio, symbolisme appuyé des couleurs, atmosphère hors du temps quand l'influence du conte n'est pas directe comme pour "Les Chaussons rouges" inspiré d'Andersen) qui s'oppose par exemple à un film comme "La Fièvre dans le sang" (1961) qui traite pourtant d'un sujet proche. "Le Narcisse noir" fonctionne sur la dynamique du choc des contraires qui ne peut produire que des étincelles ou de la tragédie, le rouge ou le noir:

- La règle (monastique) qui emprisonne entre en conflit avec la vie (symbolisée par le vent et plus largement une nature majestueuse et indomptée) qui circule librement, ébranlant l'édifice de la personnalité des religieuses venues fonder un couvent dans l'Himalaya. Toutes connaissent un éveil de leurs sens qui les ramène à leur passé et/ou à leurs pulsions enfouies.

- L'ici-bas et les bas instincts incarné par le très viril M. Dean (David FARRAR) contre l'au-delà incarné par l'ascète incarnent les deux seules adaptations possibles à cet environnement sauvage, l'entre-deux des religieuses les condamnant à l'échec.

- La nature de l'édifice -un ancien harem- investi par les religieuses prédispose à exacerber les conflits entre le corps et l'esprit, encore avivé par l'accueil d'éléments perturbateurs tels que la provocante et sensuelle Kanchi (Jean SIMMONS) qui semble avoir le feu aux fesses ainsi que le jeune et coquet général ( SABU) dont le parfum qui donne son titre au film vient chatouiller les narines les plus aguerries de son parfum enjôleur.

La montée en tension de tous ces ingrédients se cristallise sur le duel entre la soeur Ruth (Kathleen BYRON) et la soeur Clodagh (Deborah KERR) qui n'a pas l'expérience et l'autorité nécessaire pour être une mère supérieure incontestée et se fait donc déborder. La soeur Ruth peut même être considérée comme le refoulé de la soeur Clodagh, le conflit étant lié au désir sexuel que les deux femmes éprouvent pour le même homme et se traduisant par un débordement de rouge (le rouge à lèvres mais surtout le sang qui recouvre la tenue monacale de Ruth puis ses jambes lors de sa fuite et enfin ses yeux injectés de sang). Le plan vertigineux en plongée sur l'abîme fait penser à l'escalier en colimaçon de "Les Chaussons rouges" (1947) qui exprimait tout aussi bien le vertige de la chute provoqué par un excès de passion "écarlate". Dans une autre vie plus harmonieuse, Clodagh était associée au vert qui est la couleur de la jungle qu'elle est finalement obligée de quitter.

Commenter cet article