"Retour vers le futur": voyage dans le temps, american dream and rock'n'roll
Nathalie Amsellem (2021)
Le documentaire de Nathalie AMSELLEM lève un coin du voile sur un des trésors les mieux gardés du cinéma. La trilogie "Retour vers le futur" est semblable à "La lettre volée" de Edgar Allan Poe. Tout le monde croit la connaître tant elle elle fait partie du paysage de la pop-culture depuis presque quatre décennies maintenant mais personne n'y prête réellement attention parce sa valeur inestimable est maquillée sous l'étiquette d'un simple divertissement. Le documentaire de Nathalie AMSELLEM met en évidence le fait que cette oeuvre a un double fond.
Pour commencer, elle est difficile à classer en raison de son caractère hybride de comédie de science-fiction mais aussi parce que trop ingénue (pour la majeure partie des studios) et trop sulfureuse à la fois (pour Disney, choqué par le sous-texte incestueux). Ce scénario dérangeant (et oui, qui l'aurait cru?) a donc été refusé plus de quarante fois avant que Steven SPIELBERG qui avait mis le pied à l'étrier des deux Bob (Robert ZEMECKIS le réalisateur et Bob GALE le scénariste) en leur faisant scénariser son film "1941" (1979) n'accepte de produire le premier volet sous l'égide de Universal Studio avec le succès que l'on sait.
Dans un deuxième temps, le documentaire montre comment le film s'inscrit dans une filiation remontant à H.G Wells, en modernisant "La Machine à explorer le temps" (1960) dont il reprend les couleurs du tableau de bord (rouge, vert, jaune) et "C était demain" (1979) où Mary STEENBURGEN joue déjà le rôle de la petite amie du voyageur temporel qui n'est autre que H.G Wells. Plus généralement, le documentaire démontre que la saga est aussi un voyage dans l'histoire des séries et du cinéma américain, de "Happy Days" (1974) à "Taxi Driver" (1976), "L Inspecteur Harry" (1971) et "Star Wars" en passant par Sergio LEONE l'italien qui a révolutionné le genre typiquement américain du western en premier lieu et imposé Clint EASTWOOD à qui Marty s'identifie dans le troisième volet.
Enfin, le documentaire souligne l'aspect politique de la saga et son caractère visionnaire en ce domaine, de l'accession au pouvoir d'un afro-américain dans les années 80 qui n'est que balayeur dans une Amérique des années 50 marquée par la ségrégation raciale à un présent alternatif dystopique dans lequel les deux Bob ont imaginé que le milliardaire Donald Trump (sous les traits de Biff Tannen) prenait le pouvoir. De façon assez subtile, la saga s'avère être une critique de l'american way of life dont elle démontre les nombreux mirages que ce soit sur le statut des femmes (dont Lorraine, la mère frustrée et alcoolique de Marty est l'illustration parfaite) ou celui des artistes (la musique rock and roll de Marty choque l'Amérique puritaine -comme on peut le voir aussi dans un film comme "ELVIS (2020)- alors que l'espace vital du farfelu Doc Brown se réduit comme peau de chagrin, passant d'un manoir dans les années 50 à un garage dans les années 80 avant que ce dernier ne finisse à l'asile ou six pieds sous terre dans les versions alternatives). J'ajoute personnellement que la saga traite aussi d'un thème peu abordé au cinéma (et à peine effleuré dans le documentaire), celui de l'étalement urbain avec ses belles promesses publicitaires de lotissements pour classes moyennes qui 30 ans plus tard se dégradent ou se ghettoïsent tandis que les commerces de proximité désertent les centre-ville au profit des centres commerciaux de périphérie (le "two Pines Mall" sur le parking duquel Marty fait son premier voyage dans le temps est une ancienne ferme tout comme la maison de sa famille fait partie du lotissement pavillonnaire "Lyon Estates" construit au milieu des champs).
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