La famille Asada (Asada-ke!)
Ryota Nakano (2023)
"Tel père, tel fils" (2013) était le titre d'un film de Hirokazu KORE-EDA, grand cinéaste japonais de la famille. Il aurait pu être aussi celui du film de Ryôta NAKANO. Même si les autres membres ont leur rôle à jouer, la famille Asada doit son caractère atypique voire marginal à Akira (Mitsuru HIRATA) et à Masashi (Kazunari NINOMIYA). A contre-courant des sempiternels clichés sur la famille japonaise avec son salary man débordé, son épouse au foyer dévouée et leurs enfants incarnant (au choix) soit la photocopie du modèle parental, soit tous les dysfonctionnements de la société japonaise, dès les premières images, on sait que l'on n'aura pas affaire à des gens "normaux". Déjà parce que les parents ont interverti leurs rôles: Akira gère le foyer pour permettre à son épouse de se réaliser professionnellement sans éprouver de culpabilité. Et c'est lui qui compose l'album de photos de famille jusqu'au jour où il donne son appareil à Masashi. Alors que son grand frère suit une trajectoire traditionnelle, Masashi qui arbore un look assez subversif (il est notamment tatoué ce qui au Japon est associé à la criminalité et aux yakuzas) passe de nombreuses années à se chercher jusqu'à ce qu'une conversation avec son père ne lui donne le déclic: il sera le portraitiste de sa famille. Occupant la place de l'artiste, il immortalise les siens dans les rôles qu'ils auraient aimé expérimenter au cours de leur vie (pompier, yakuza, pilote de formule 1 etc.) et compose un album qui finit à la longue par trouver son public: d'autres familles dont Masashi va capturer l'essence. Jusqu'à ce que le tsunami de 2011 ne l'amène à se porter bénévole pour sauver des décombres un maximum de clichés et les restaurer afin de permettre aux survivants de récupérer leurs souvenirs. L'affichage de ces milliers de photos a un énorme impact mémoriel: on pense à celles qui sont exposées à Birkenau et qui racontent elles aussi la vie "d'avant la catastrophe".
Drôle, ludique et émouvant, le film de Ryôta NAKANO est une tendre chronique familiale autant qu'une réflexion sur la place de l'artiste (particulièrement dans une société aussi normative que celle du Japon assez peu propice à l'épanouissement de talents singuliers). Il conduit aussi à s'interroger (y compris pour nous, occidentaux) sur ce que signifie une vie réussie. Akira et Masashi, parce qu'ils bousculent les repères peuvent passer pour des "losers", des "ratés" alors que le film montre l'inverse. Il donne envie de rencontrer le regard si humain du vrai Masashi Asada car l'histoire est inspirée de faits réels et l'album de famille reproduit fidèlement l'original, couronné du prestigieux prix Kimura Ihei en 2008.
Commenter cet article