Le passé recomposé (The Tale)
Jennifer Fox (2017)
Comme "Les Chatouilles" (2018) ou "Slalom" (2019), le "Passé recomposé" est le récit autobiographique et cathartique de l'abus sexuel vécu par la réalisatrice quand elle était mineure. Cependant, l'approche en est différente. Si comme dans "Les Chatouilles", le récit effectue des allers-retours entre le présent et le passé et si comme dans "Slalom" il s'agit d'une relation d'emprise d'un coach sur une pré-adolescente douée pour un sport, le téléfilm de Jennifer Fox ne raconte pas comment elle s'est reconstruite mais comment elle a survécu dans le déni durant 35 ans. "The Tale" (le titre en VO) est en effet le récit qu'elle a élaboré à partir de son expérience vécue sous forme de journal pour sa classe, précisant à sa professeur qu'il était fictif. Et en un sens, c'est vrai, même si sa professeur y décèle derrière la prétendue histoire d'amour une situation d'abus sur mineur. Car dans ce récit, Jenny n'est pas une victime mais une héroïne qui découvre, loin de la vie terne dans sa famille où elle se sent invisible, un monde merveilleux peuplé de gens merveilleux. Des images se répètent dans lesquelles on voit Mrs.G (Elizabeth DEBICKI) qui possède un haras accueillir Jenny en souriant telle une bonne fée accompagnée d'un tout aussi souriant Bill (Jason RITTER) l'entraîneur. En admiration devant ces adultes jeunes et beaux comme des dieux qui semblent aux petits soins pour elle, Jenny se sent enfin remarquée et même "élue" par rapport aux autres élèves moins douées, moins jolies ou mieux protégées par leurs parents. En effet les siens, trop occupés par leur nombreuse progéniture sont ravie de la confier tout un été puis tous les week-ends à ces gens si serviables qui vont même la chercher à l'école. En dépit de certains signes qui auraient dû les alerter, les parents s'aveuglent jusqu'à interdire à leur fille une sortie avec un garçon de son âge, lui interdisant en quelque sorte de découvrir la sexualité d'une façon saine.
Le film raconte l'histoire de la déconstruction progressive de ce récit forgé comme un acte de survie lorsque la mère de Jenny le découvre dans un carton 35 ans plus tard et, bouleversée par sa lecture le lui envoie. A la manière d'une enquête (avec des témoins, des preuves écrites etc.), Jenny (Laura DERN, double de la réalisatrice) retrouve progressivement la mémoire des faits tels qu'ils se sont réellement passés, part à la recherche de ses anciens prédateurs devenus des vieillards desséchés ou boursoufflés, loin de l'image idéalisée qu'elle avait gardé d'eux, se confronte à la réalité de la pédophilie lorsqu'elle regarde sa photo à 13 ans alors qu'elle croyait en avoir 15, se souvient de détails qui ne pouvaient être que ceux de viols répétés dans des situations sordides où elle était le jouet sexuel du couple. Elle mesure également combien ce passé a ravagé sa vie personnelle et sa propre sexualité alors que sa mère doit faire face à sa culpabilité de n''avoir pas su la protéger.
Commenter cet article