Comme un avion
Bruno Podalydès (2015)
Il y a des cinéastes auxquels je n'adhère pas spontanément. Bruno PODALYDÈS en fait partie. Ses films ont du mal à m'atteindre. "Comme un avion" ne fait pas exception à la règle. Le regarder a eu un effet instructif cependant: la consanguinité avec un autre cinéma auquel je suis également hermétique, celui de Noémie LVOVSKY m'a sauté aux yeux. Même troupe d'acteurs (Samir GUESMI, Michel VUILLERMOZ, Denis PODALYDÈS, Noémie LVOVSKY qui comme Bruno, frère de Denis est actrice et réalisatrice). Même goût pour l'atmosphère champêtre ("Les Sentiments") (2003) et pour la régression ("Camille redouble") (2012). Même appétence pour créer de chatoyants paquets-cadeaux colorés, bucoliques, poétiques et humoristiques enrobant une intrigue ectoplasmique tournant autour de la crise du couple bourgeois quadra ou quinquagénaire. Le parallèle peut être poussé jusque dans le fait de faire jouer Jean-Pierre BACRI (chez Noémie LVOVSKY) et Agnès JAOUI (chez Bruno PODALYDÈS) le rôle du séducteur/de la séductrice dans un contre-emploi où ces derniers perdent au passage une bonne part de leur personnalité propre pour se fondre au sein d'un schéma adultérin classique dans lequel ils ne sont que des rouages.
Si j'ai regardé "Comme un avion", c'est pour une seule et unique raison: sa fin, découverte grâce à une émission de "Blow Up" consacré à Alain BASHUNG au cinéma. En effet, le choix de terminer le film sur la chanson "Vénus" extraite de l'album "Bleu Pétrole" donne au film tout son sens. Toutes les pitreries-facéties-itinéraire riquiqui du pseudo aventurier en herbe qui s'enroule davantage autour de son propre nombril qu'il n'explore le vaste monde s'y révèlent enfin pour ce qu'elles sont, une vaste fumisterie destinée à masquer sa crise de couple avec Rachelle (jouée par Sandrine KIBERLAIN) et son envie d'aller croquer la pomme dans le premier jardin d'Eden venu ^^. Tout le film repose sur cette situation de faux-semblant blindée par les non-dits. Non-dits que Laetitia (Agnès JAOUI) fait exploser avec son corps, ses explications sur la géolocalisation des photos et enfin le cadeau de la radio que Michel fixe à son kayak. Voir dans le même plan celui-ci pagayer en eaux troubles pendant que Rachelle marche sur le chemin bordant le canal dans la même direction que lui en entendant des paroles telles que:
"Là, un dard venimeux
Là, un socle trompeur
Plus loin
Une souche à demi-trempée
Dans un liquide saumâtre
Plein de décoctions d'acide
Qui vous rongerait les os
Et puis
L'inévitable clairière amie
Vaste, accueillante
Les fruits à portée de main
Et les délices divers
Dissimulés dans les entrailles d'une canopée
Plus haut que les nues"
Donne un instantané de la vraie nature, fort amère, du film que le reste du temps, Bruno PODALYDÈS se plaît à dissimuler sous un déluge de douceurs.
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