La Splendeur des Amberson (The Magnificent Ambersons)
Orson Welles (1941)
Orson WELLES dans toute sa splendeur. C'est en revoyant son deuxième film, tourné un an après "Citizen Kane" (1940) que je mesure le gouffre qui sépare le film génial (rare) du bon film (qui lui est au contraire pléthorique). Il y a d'innombrables films que l'on peut juger bons mais qui n'en sont pas moins ennuyeux ou bien comportent des passages à vide ou bien qui s'oublient très vite. La mise en scène de "La Splendeur des Amberson" est si puissante qu'elle vous capture et ne vous lâche plus d'autant qu'elle est au service d'un scénario dense et de personnages intenses. Le mode de narration introductif avec l'usage de la voix-off (par Orson Welles en personne qui venait de la radio) agrémenté de gros plans fixes d'habitants faisant des commentaires sur les us et coutumes de la plus riche famille de la ville nous introduit dans leur monde avec dynamisme et fluidité en rendant les enjeux de l'histoire limpides. Par la suite, lorsque le film se mue en tragédie familiale dont le manoir est le principal témoin on est happé par l'entrelac des passions qui animent les personnages, la manière dont ils sont disposés dans l'espace, éclairés et filmés en plans-séquence majestueux. La tyrannie de George (Tim HOLT), la soumission de sa mère Isabel (Dolores COSTELLO), la frustration de la soeur d'Isabel, Fanny (Agnes MOOREHEAD), la résignation mélancolique de Eugene (Joseph COTTEN), le détachement apparent de sa fille Lucy (Anne BAXTER), tout cela ressort admirablement. Si bien qu'on en oublie que dans cette histoire qui rappelle la leçon de Paul Valery apprise au sortir de la première guerre mondiale "Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles" il y a des gagnants et des perdants. Les gagnants, ce sont les Morgan, Eugene et sa fille Lucy qui représentent l'avenir avec le triomphe de la deuxième révolution industrielle. Les perdants, ce sont les Amberson minés de l'intérieur par leurs mentalités rétrogrades et leur incapacité à s'adapter à un nouveau monde à qui ils préfèrent tourner le dos faute de pouvoir le contrôler. Mais ce clivage est au final dépassé par un sentiment général de gâchis, avec d'un côté George, enfant tyrannique qui va droit dans le mur et de l'autre des adultes trop faibles pour l'arrêter. En dépit de sa mutilation par les studios (sensible dans certaines ellipses et surtout à la fin dont dont sent qu'elle a été affadie par rapport à ce qu'avait tourné Welles), le film marque le spectateur de son empreinte indélébile.
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