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La nuit des femmes (Onna bakari no yoru)

Publié le par Rosalie210

Kinuyo Tanaka (1961)

La nuit des femmes (Onna bakari no yoru)

"La nuit des femmes" est l'avant-dernier film de Kinuyo Tanaka qui bénéficia pour l'occasion des gros moyens des studios Toho: le chef-opérateur des plus grands films de Kurosawa et un format Cinémascope, le compositeur de "L'île nue" et une pléthore de vedettes nippones.

Le titre fait référence à "Femmes de la nuit", tourné en 1948 par Kenji Mizoguchi avec en vedette Kinuyo Tanaka justement. Elle y interprétait une jeune femme poussée par le chaos et la misère de l'après-guerre à se prostituer. Par conséquent "La nuit des femmes" est une sorte d'état des lieux de la prostitution et de son rapport avec la société japonaise 13 ans plus tard. Et le constat n'est guère glorieux. Le film se situe au lendemain de l'interdiction de la prostitution en 1956 qui entraîna la fermeture des maisons closes et la répression du racolage de rue. Les prostituées furent prises en charge par des maisons de réhabilitation qui ouvrirent dans la plupart des grandes villes. Leur mission était d'aider les anciennes prostituées à se réinsérer par le travail. Mais dans une société aussi rigide et bien-pensante que celle du Japon, cette réinsertion prend l'allure d'un chemin de croix pour la pauvre Kuniko qui est pourtant pleine de bonne volonté. Mais partout où elle va, dès que ses patrons ou ses collègues apprennent son ancienne condition, elle se retrouve rejetée, maltraitée, harcelée. Je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec Fantine dans "Les Misérables" qui cherche à gagner sa vie honnêtement mais qui est bannie de la société en raison de sa condition de fille-mère jusqu'à tomber dans la prostitution. Dans "La nuit des femmes", Kuniko est tentée de retourner à son ancienne condition mais elle subit aussitôt la répression policière. Sa situation semble donc sans issue. Cependant Kinuyo Tanaka évite la surenchère mélodramatique. Au contraire, elle aide (avec sa scénariste Sumie Tanaka) la jeune femme à sortir la tête haute des différentes épreuves qu'elle endure. Sa vengeance contre l'odieuse femme de l'épicier qui l'emploie est par exemple des plus cocasses. Et face à l'opprobre, elle interroge ouvertement le spectateur sur le bien-fondé des persécutions qui visent "le plus vieux métier du monde". Enfin, face à l'injustice, Kuniko trouve refuge et secours auprès d'autres communautés de femmes dont les ama, des pêcheuses en apnée qui m'ont fait penser aux filles de l'air qui recueillent la petite sirène lorsqu'elle est sur le point de se transformer en écume.

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