Fumer fait tousser
Quentin Dupieux (2022)
Bien que "Fumer fait tousser" aurait eu besoin d'avoir un rythme plus soutenu pour libérer toute sa puissance de frappe, le film, à l'image de "Le Daim" (2019) m'a renvoyé à toute une série de références. Le fait d'appartenir à la même génération, celle des "enfants de la TV" des années 80 aide certainement à mieux l'apprécier. En effet j'ai grandi avec les Sentai ("Bioman") (1984) et autres metal heroes japonais ("X-Or") (1982). Je me suis bidonnée devant l'excellente parodie des Inconnus même si elle était mâtinée de la xénophobie antijaponaise propre à l'époque ("toi tu t'appelles Nathalie avec tes yeux bridés et ta face de citron? Tais-toi c'est pour l'exportation en France"). Et je n'ai raté aucun des épisodes de la version amateur franchouillarde des sentai "Les France five" (très appréciée d'ailleurs au Japon), beaucoup plus fun que la déclinaison américaine, pro mais très premier degré alias les "Power Rangers" (2015). Néanmoins le film de Quentin DUPIEUX s'abreuve à d'autres sources. La bande reçoit ses missions à la manière de les "Drôles de dames" (1976) d'un personnage qui ressemble à une version dégoûtante de "Alf" (1986) (qui a la voix de Alain CHABAT donc l'esprit des Nuls) et se déplace à bord d'un véhicule qui n'est pas sans rappeler "Scoubidou" (1969) (sans le flower power mais avec la crétinerie des personnages joués par Gilles LELLOUCHE et Anaïs DEMOUSTIER qui m'ont fait penser à Fred et Daphné). Mais en voyant le film, je me suis dit qu'il était bien dommage que Quentin Dupieux n'ait pas pu collaborer avec Roland TOPOR tant "Fumer fait tousser" m'a rappelé l'esprit absurde, surréaliste, critique et mélancolique de "Téléchat". Ou encore celui des Monty Python (Anthony SONIGO qui se fait broyer par Blanche GARDIN sans moufter c'est un peu Graham CHAPMAN commentant d'un air détaché sa jambe arrachée dans "Monty Python : Le Sens de la vie") (1982). Car "Fumer fait tousser" n'est pas si absurde qu'il en a l'air (comme tous les Dupieux). Il s'agit en réalité d'un film catastrophe mais qui prend le contrepied du blockbuster spectaculaire façon "Le Jour d après" (2004). Le méchant, Lézardin (Benoît POELVOORDE) veut anéantir la "petite planète malade" qu'est devenue la Terre mais en fait elle s'empoisonne très bien toute seule. Chaque membre de la "Tabac force" libère la substance toxique qui lui donne son nom. Le lac autour duquel ils font leur retraite est tellement pollué qu'on y pêche un barracuda qui parle (comment ne pas penser à "The Host" (2006) de BONG Joon-ho?) Les histoires que chacun raconte au coin du feu pour faire peur aux autres évoquent la dissolution prochaine du corps humain dans un monde privé de sens. Et la fin est sans ambiguïté: nulle technologie ne viendra nous sauver. "Le changement de l'époque en cours" s'avère être un vieux disque rayé. Sous le rire perce une angoisse proprement métaphysique.
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