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Nuremberg, des images pour l'histoire

Publié le par Rosalie210

Jean-Christophe Klotz (2019)

Nuremberg, des images pour l'histoire

On croyait tout savoir sur le procès militaire international de Nuremberg intenté par les alliés vainqueurs de la guerre qui durant près d'un an, de novembre 1945 à octobre 1946 jugea 24 hauts dignitaires nazis de crimes contre la paix, crimes de guerre et, nouveau chef d'accusation, crime contre l'humanité. On sait aussi qu'il s'agit du premier procès dont les audiences ont été filmées (par les américains et par les soviétiques), ouvrant la voie à bien d'autres, d'Eichmann à Barbie et que les images y ont joué un rôle fondamental en tant que preuves des crimes commis, aux côtés des autres types d'archives.

Ce que l'on sait moins en revanche, c'est comment ces preuves audiovisuelles ont été réunies. Le procureur Jackson qui considérait le document d'archive comme central chargea de cette mission deux jeunes soldats, Budd et Stuart Schulberg qui travaillaient sous l'égide de John FORD au sein de l'OSS (Office of Strategic Services). Le film de Jean-Christophe KLOTZ retrace leur enquête de plusieurs mois au coeur de l'Europe dévastée pour retrouver à temps un maximum de documents afin de pouvoir les diffuser lors du procès. Ce qui compliquait leur tâche était d'une part le fait que les défenseurs des accusés avaient réussi à faire invalider nombre d'archives audiovisuelles d'origine américaine, de l'autre, le fait que les nazis et leurs complices encore en liberté s'acharnaient à détruire celles qui étaient d'origine allemande. A plusieurs reprises, les deux frères arrivèrent trop tard pour sauver les bobines qui se consumaient par milliers quand ce n'était pas le bâtiment qui les abritait qui flambait. Heureusement, à la suite d'un concours de circonstances improbable dans lequel on découvre que John FORD était également vénéré par des soviétiques, les deux hommes mettent la main sur un trésor conservé dans la zone allemande occupée par l'URSS à une époque où celle-ci était encore alliée aux occidentaux et effectuent alors avec leur équipe un long travail de montage pour les diffuser au procès.

Le film met en évidence de manière saisissante l'impact que ces images eurent sur les accusés qui jusque là se retranchaient dans le déni. Le procureur Jackson fit d'ailleurs avancer la date de leur diffusion et on sait que le tribunal fut aménagé spécialement pour permettre à l'écran d'y prendre une place de choix. Jean-Christophe KLOTZ montre le changement radical du visage des accusés après avoir été obligés de regarder en face l'étendue de leurs propres crimes. L'un des moments les plus évidents est celui où Rudolf Hess qui feignait l'amnésie fit une déclaration dans laquelle il reconnaissait endosser la responsabilité de ses actes.

A plus long terme, le travail des frères Schulberg a forgé la mémoire collective de ces événements. Même s'ils n'ont pu tourner que 35 heures de rushes sur plus de 10 mois de procès, ils ont pu enregistrer en audio l'intégralité des débats. Stuart Schulberg en a fait un film en 1948, "Nuremberg, it's Lesson for Today" qui ne sortit aux USA qu'en 2010 grâce au travail de restauration de sa fille car avec l'éclatement de la guerre froide, les priorités avaient changé et le film fut enterré.

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