Van Gogh
Maurice Pialat (1991)
Découvrir les films de Maurice PIALAT dans l'ordre (je n'avais vu avant la rétrospective que Arte lui consacre que "À nos amours" (1983) et "Police") (1985) s'avère éclairant. En effet de "L Enfance nue" (1968) jusqu'à "À nos amours" (1983), l'inspiration autobiographique saute aux yeux et offre une fresque humaine d'un naturalisme saisissant d'âpreté allant de l'enfance à la mort en passant par l'adolescence et la vie de couple. A partir de "Police" (1985) si le style et certaines obsessions restent parfaitement reconnaissables, les sources d'inspirations deviennent exogènes, puisant dans le genre du polar, dans le roman et ici dans la biographie d'un peintre célèbre. Cependant on peut se demander dans quelle mesure Maurice Pialat ne se dépeint pas lui-même au travers de sa chronique des derniers jours de Vincent Van Gogh: c'est lui-même qui tient le pinceau dans les rares moments du film où son personnage s'adonne à la peinture et il lui prête par moment des réactions qui étaient les siennes (par exemple un certain agacement face aux contingences de la vie qui l'entravent dans son acte de création). On peut ajouter également l'amertume de l'artiste incompris et le caractère revêche voire goujat d'un Van Gogh amateur de femmes mais antipathique qui n'est pas sans rappeler le Jean de "Nous ne vieillirons pas ensemble" (1972) (qui était faut-il le rappeler un cinéaste raté). Bref, on est pas loin de l'autoportrait de Maurice Pialat en Van Gogh d'autant que si la peinture occupe une place très périphérique dans le film, celui-ci est conçu comme une série de tableaux vivants, chaque scène étant d'une grande beauté visuelle rappelant la peinture impressionniste (celle de Auguste Renoir surtout avec les plans de guinguette au bord de l'eau avec en toile de fond des barques à voile blanche ou bien le rouge d'une robe se détachant sur la végétation). On adhère ou non à la vision désacralisée, anti-spectaculaire du peintre ramené à une certaine trivialité du quotidien. Personnellement, j'ai trouvé que la principale limite du film résidait dans la façon dont est retranscrite la relation entre Van Gogh (Jacques DUTRONC très crédible) et Marguerite (Alexandra LONDON), la fille du docteur Gachet (Gérard SÉTY). Montrer une jeune fille bourgeoise avoir une liaison avec un homme pauvre deux fois plus âgé qui l'amène au bordel* et fornique avec elle en public sous les yeux d'un père furieux mais impuissant relève de l'imaginaire (ce qui semble correspondre à la biographie de l'artiste) mais Pialat montre cela comme une réalité ce qui jure grossièrement avec l'époque retranscrite.
* Les filles de la bourgeoisie étaient élevées au XIX° pour être livrées vierges et frigides à leur mari, les prostituées assurant la satisfaction de leur libido. Deux rôles bien distincts que Pialat s'amuse à brouiller. dans une optique qui lui est propre (la romance entre une bourgeoise et un prolo rappelle "Loulou") (1980) mais qui ne fonctionne pas ici.
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