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Trois Visages (Se rokh)

Publié le par Rosalie210

Jafar Panahi (2018)

Trois Visages (Se rokh)

"Trois visages", le dernier film en date de Jafar PANAHI qui purge actuellement la peine de prison prononcée contre lui en 2010 pour sa dissidence vis à vis d'un régime qui ne cesse de se durcir a été réalisé clandestinement comme "Taxi Téhéran" (2014). Avant d'en arriver à l'emprisonner, le régime iranien lui a en effet interdit d'exercer son activité et de quitter l'Iran.

Si l'on mesure l'état d'une société à la façon dont elle traite les femmes et les artistes, alors on peut affirmer que l'Iran est très mal en point. "Trois visages" désigne trois générations d'actrices qui se rencontrent dans le film: la première, dont on ne verra que la silhouette est une ancienne vedette de l'Iran du Shah tombée en disgrâce à la suite de la révolution islamique et ostracisée par le village dans lequel elle vit (ce qui lui donne paradoxalement plus de libertés, comme celles que se permet Jafar Panahi qui va tourner dans l'un des coins les plus reculés du pays pour être sous les radars mais où les habitants se sentent abandonnés par l'Etat). La seconde est une actrice d'aujourd'hui, Behnaz Jafari qui joue son propre rôle et reçoit une vidéo d'une jeune fille à qui sa famille refuse de faire une carrière d'actrice en dépit du fait qu'elle ait été reçue au conservatoire l'appelant à l'aide. Avec l'aide de Jafar PANAHI dans son propre rôle, ils se rendent dans son village proche de la Turquie pour enquêter sur son sort. Ce faisant et comme dans "Taxi Téhéran" (2014), Jafar Panahi offre un film à multiples entrées sur les contradictions de la société iranienne, le statut ambigu des images (la vidéo de la jeune fille est ainsi questionnée comme étant une mise en scène de fiction avec un effet de montage plutôt qu'un plan-séquence documentaire ce qui renvoie au film lui-même qui se tient à la frontière des deux genres) ou encore un hommage implicite à Abbas KIAROSTAMI dont Jafar Panahi a été l'assistant. J'ai reconnu dans un plan la même route aride à lacets que celle que l'on voit tout au long de "Le Goût de la cerise" (1997) qui se déroule d'ailleurs d'après mes souvenirs en grande partie dans l'habitacle d'une voiture, cocon protecteur qui dans un hommage là encore à son mentor termine avec le pare-brise fissuré. Un plan prémonitoire.

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