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Passe ton bac d'abord

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1978)

Passe ton bac d'abord

Après l'échec commercial de "La Gueule ouverte (1974), Maurice PIALAT resta quatre ans sans tourner. "Passe ton bac d'abord", son quatrième film jette les bases de ses deux films suivants. "Loulou" (1980) et "À nos amours" (1983) reprennent de façon plus approfondie le thème des jeunes paumés qui montent zoner à Paris et le comportement rebelle d'Elisabeth, une adolescente jouée par Sabine HAUDEPIN en conflit ouvert avec sa mère et qui nargue son copain officiel en essayant tous les garçons de sa bande.

En rupture en effet avec les chroniques adolescentes enjolivées de l'époque, Maurice PIALAT décrit un milieu ouvrier situé à Lens, ville charbonnière du Nord alors ravagée par la pauvreté et le chômage lié à la désindustrialisation. Dans ce paysage morne, les jeunes du film sont privés de perspective d'avenir, l'injonction des adultes (impuissants, démissionnaires ou eux-mêmes douteux) qui sert de titre au film leur semblant vide de sens. La plupart désertent donc les bancs de l'école au profit du seul bar du coin, de chambres d'hôtels d'où ils sont vite délogés, du camping sauvage et de la rue. D'ailleurs l'école n'apparaît que lors du générique de début, une scène reprise ensuite à la fin sous un autre angle qui enferme dans une boucle les deux jeunes filles qui tentent de reprendre leurs études. Mais on sait déjà que c'est peine perdue, l'une étant démotivée et l'autre enceinte. Face à cet horizon bouché, les ados du film conjurent leur peur de l'avenir en vivant l'instant présent avec une apparente insouciance, ne cessant de changer de partenaire sexuel (Elisabeth et Bernard étant les champions de la polygamie avant que la première ne "se range") et n'ayant dans leur logiciel que deux ou trois issues: le mariage précoce vu comme une bonne planque mais qui tourne rapidement à l'enfer conjugal; les boulots non qualifiés donc mal payés et minés par l'oppression patronale (bien avant "La Loi du marché" (2014), Maurice PIALAT montre le flicage que subissent les hôtesses de caisse) ou bien qui dissimulent des intentions douteuses (la proposition de séance photos dans une villa avec piscine à une adolescente de 16 ans); et enfin l'exode incertain vers Paris comme ultime échappatoire.

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