Thelma
Joachim Trier (2017)
"Thelma" m'a fait beaucoup penser à "Morse" (2008) qui lui-même n'est pas sans rapport avec les adaptations cinématographiques des romans de Stephen King, "Carrie au bal du diable" (1976) et autres "Shining" (1980). Un enfant persécuté par ses parents et/ou la société développe des pouvoirs paranormaux qu'il peut utiliser pour se défendre, se venger ou bien se libérer. C'est cette dernière variante qui est à l'honneur dans "Thelma", film fantastique certes mais qui colle de près aux tourments psychiques d'une jeune fille sous emprise paternelle qui cherche à s'émanciper. La scène introductive résume parfaitement les enjeux du film: Thelma enfant observe un poisson évoluer sous la glace (son inconscient prisonnier du carcan religieux de ses parents mais bien vivant), métaphore récurrente qui trouve son achèvement dans une scène de chasse où elle est prise pour cible par son propre père qui faute de pouvoir totalement contrôler cet inconscient dangereux (pas seulement par l'endoctrinement mais aussi par la douleur et la terreur) est tenté par sa suppression pure et simple. Après une ellipse de quelques années, on retrouve Thelma étudiante dans un plan en plongée qui souligne combien elle reste en dépit de son autonomie apparente sous l'emprise de ses parents. En effet ceux-ci continuent à la surveiller à distance, contrôlant ses faits et gestes, exigeant de tout savoir et ne lui laissant aucun centimètre carré d'intimité. A moins que ce ne soit l'inconscient de Thelma qui travaille, lui qui a intégré les tabous de son éducation puritaine lorsqu'elle se retrouve confrontée aux interdits, et par-dessus tout celui de la découverte de son (homo)sexualité. Le conflit qui en résulte fait le lit d'une belle névrose, laquelle se traduit par des crises d'hystérie dans la plus pure tradition du XIX° siècle, les conséquences paranormales en plus. Conséquences qui servent de prétexte au retour de Thelma chez ses parents où elle se retrouve séquestrée et droguée par son père plus menaçant que jamais. La lutte mentale qui s'engage alors avec lui acquiert une dimension qui dépasse le simple récit d'émancipation individuelle. Il s'agit d'une lutte plus globale contre le patriarcat et ses valeurs. En reprenant le contrôle de sa propre vie, Thelma découvre l'existence de sa grand-mère paternelle internée à l'asile et apprend aussi à utiliser positivement son pouvoir pour délivrer sa mère de son fauteuil roulant et redonner la vie dans une série de plans la reliant à la nature qui font penser à Lars von TRIER, autre réalisateur nordique fasciné par la figure de la sorcière en lutte contre les fanatiques religieux (est-ce un hasard si le feu est central dans la lutte de pouvoir entre Thelma et son père?).
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