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Rouge

Publié le par Rosalie210

Farid Bentoumi (2020)

Rouge

Après "Gagarine" (2020) en juin, je viens d'assister à ma deuxième avant-première d'un film qui était sélectionné pour l'édition du festival de Cannes annulée en 2020. "Rouge", le deuxième film de Farid BENTOUMI est un thriller écologique prenant qui se situe dans la lignée de "Erin Brockovich, seule contre tous" (2000) et du plus récent "Dark Waters" (2019). L'originalité du film se situe dans le conflit générationnel entre un père (Sami BOUAJILA) et sa fille (Zita HANROT) tous deux employés d'une usine chimique qui malmène l'homme et l'environnement mais qui est protégée par les élus et les employés eux-mêmes au nom de la sacro-sainte préservation de l'emploi. Le film est donc une étude passionnante de ce que le système peut produire d'aliénation au travers de la servitude volontaire de ses bons petits soldats du capitalisme, véritable chair à canon qui sacrifie sa santé et dissimule la vérité par peur du chômage et du déclassement social.* Une logique portée à l'extrême par Slimane, leader syndical qui occupe la place du majordome: chef des larbins au service des puissants, il protège ses troupes avec une logique mafieuse (omerta, loyauté) dont il n'a pas conscience. Cette conscience qui lui manque est porté par sa fille Nour (qui signifie "Lumière") qui incarne la jeune génération qui ne veut plus se taire. Au clivage générationnel s'ajoute aussi un clivage de genre: les lanceuses d'alerte sont des femmes plus sensibles que les hommes aux enjeux sanitaires et environnementaux (la journaliste incarnée par Céline SALLETTE est d'ailleurs enceinte). Dans un entretien du milieu des années 60, l'acteur Michel SIMON déplorait les ravages écologiques des 30 Glorieuses et soulignait que ceux-ci n'auraient pas été aussi graves si les femmes, mieux reliées à la nature que les hommes n'avaient pas été réduites au silence. Et bien en 2020 alors que "notre maison brûle", ce sont elles dont on entend la voix dans le film. Mais comme celui-ci fonctionne à plusieurs échelles, il ne manque pas aussi de souligner combien il est difficile de s'opposer aux siens, même si c'est pour les sauver. La crise de la famille patriarcale est en effet un autre thème majeur du film, sans manichéisme car Slimane s'avère être un père digne d'être aimé. La fin est même presque trop belle mais porteuse d'espoir.

* C'est pourquoi quand certains évoquent la liberté de disposer de notre propre corps, j'ai juste envie de rire face à cette énorme mascarade. Les ouvriers contaminés du film valent bien les soldats et les populations d'outre-mer irradiées au nom de la grandeur de la France et tant d'autres scandales sanitaires qui révèlent que les inégalités de classe sont toujours aussi vivaces (la différence d'espérance de vie entre cadre et ouvrier est d'ailleurs évoquée dans le film).

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