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Maman a cent ans (Mama cumple cien anos)

Publié le par Rosalie210

Carlos Saura (1979)

Maman a cent ans (Mama cumple cien anos)

C'est la deuxième fois que je vois un diptyque cinématographique ayant pour pivot central un événement historique majeur étant survenu entre le premier et le deuxième volet. Le premier exemple, c'est "Les Ailes du désir" (1987)/ "Si loin, si proche!" (1993), l'un tourné avant et l'autre après la chute du mur de Berlin et la réunification allemande. Le deuxième, c'est "Anna et les loups" (1972)/"Maman a cent ans" (1979), l'un tourné avant et l'autre après la mort de Franco. Comme Wim WENDERS avec l'Allemagne, Carlos SAURA a repris les mêmes personnages, les mêmes acteurs, les mêmes décors pour ausculter les débuts de l'Espagne post-franquiste et peut-être enfin, passer à autre chose. "Maman a cent ans" est donc une sorte de film bilan de cette période de crépuscule du franquisme dans laquelle le cinéaste devait utiliser des métaphores pour déjouer la censure.

Selon l'interprétation que l'on a de la fin de "Anna et les loups" (1972), "Maman a cent ans" peut-être considérée comme une suite ou bien comme une variation uchronique. Toujours est-il que Anna (Geraldine CHAPLIN) est bien vivante alors que José, l'aîné et plus virulent représentant du franquisme est "mort depuis trois ans". L'acteur étant lui-même décédé, Carlos SAURA ne pouvait le faire revenir ce qui finalement coïncide avec la réalité historique. Sans son gardien de la loi et de l'ordre, la maison que retrouve Anna, si elle n'a guère changé en apparence tremble sur ses fondements. D'étrangère symbolisant la modernité venue semer la zizanie parmi la sainte trinité franquiste vivant en autarcie (armée, famille, religion), Anna, attendue un peu comme le messie devient la médiatrice voire la réconciliatrice entre les deux Espagne: l'ancienne, celle des nostalgiques de Franco qui se recueille sur sa tombe et la nouvelle qui soit transfère ses frustrations sur "l'argent de la vieille" (c'est bien connu, la cupidité sert de substitut au sexe) soit entend mener une vie "libérée" dans l'esprit Movida. Juan le fils libidineux a largué les amarres pour satisfaire ses besoins et sa fille aînée, sensuelle et provocatrice suit le même chemin. Inutile de dire que ça fait tache avec le reste de la famille restée très conservatrice, surtout Luchy, aigrie par le fait d'avoir été abandonnée et sa deuxième fille, Carlota qui semble suivre le même chemin que José. La grand-mère et Fernando (resté une sorte d'enfant attardé ayant troqué ses élans mystiques pour l'envie de voler et un désir assumé pour Anna) se situent au milieu du gué. Cela donne de belles scènes de comédie, parfois teintées de surréalisme. L'Espagne s'est bidonnée devant le film qui est effectivement léger et drôle tout en conservant un regard féroce sur cette Espagne en transition très charognarde.

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