Le Cuirassé Potemkine (Bronenossets Potiomkine)
Sergei M. Eisenstein (1925)
Oeuvre de commande et de propagande destinée à fêter les vingt ans de la révolution russe de 1905 qui préfigura celle de 1917, il y a belle lurette que "Le Cuirassé Potemkine", second film de Sergei M. EISENSTEIN s'est extrait du contexte historique et idéologique qui lui donna naissance pour devenir l'un des trésors du cinéma mondial. Bien que le film (très court au demeurant, 1h et 11 minutes) soit intéressant de bout en bout, c'est la stupéfiante séquence de six minutes consacrée au massacre des civils dans les escaliers d'Odessa qui en a fait un film matriciel. Véritable machine de guerre cinématographique à l'impact visuel foudroyant, cette séquence qui alterne avec un rythme frénétique (pour l'époque) les gros plans sur les visages martyrisés et les plans larges sur les escaliers que semble dévaler sans fin une foule prise en étau entre une armée qui avance mécaniquement comme une machine à broyer et les cosaques qui les attendent en bas pour les écraser comme des punaises ne se réduit pas seulement aux images devenues iconiques d'un landau qui a continué de dévaler les marches bien après le film, jusqu'à "Brazil" (1985) et à "Les Incorruptibles" (1987). Il montre s'il en était encore besoin la puissance d'un art cinématographique épique qui humanise de façon inoubliable un mouvement révolutionnaire réprimé dans le sang. Car les marins du Cuirassé ont beau venger les martyrs d'Odessa en détruisant les symboles du tsarisme au canon, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un monde d'hommes surarmés alors que les civils sans défense qui ont payé de leur vie le fait de les avoir soutenus en leur donnant des victuailles étaient des femmes, des enfants et des vieillards. En cela, le film d'Sergei M. EISENSTEIN s'avère prophétique sur la nature des conflits qui jalonneront le XX° siècle.
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