Elle s'appelle Ruby (Ruby Sparks)
Jonathan Dayton et Valérie Faris (2012)
Comment échapper à la malédiction du deuxième film? Après le succès de "Little miss Sunshine" (2005), le couple de réalisateurs Jonathan DAYTON et Valerie FARIS a mis en abyme ce défi. Les premières minutes de "Elle s'appelle Ruby" se focalisent en effet sur la panne d'inspiration d'un jeune écrivain à la vie ascétique et solitaire, le bien nommé Calvin qui après un premier succès à l'âge de 19 ans n'a pas réussi en dix ans à réitérer son exploit. Jusqu'au jour où sur la suggestion de son psy, il a l'idée de mettre par écrit l'histoire de la fille de ses rêves, laquelle devient presque aussitôt réelle. Mais ce postulat fantastique (à tous les sens de ce terme) est trop beau pour être vrai. Car la fille dont rêve Calvin, c'est celle sur laquelle il peut exercer un contrôle total, à l'image du livre qu'il écrit. Un fantasme de toute-puissance qui se heurte au libre-arbitre qu'elle porte en elle depuis qu'il en a fait un être humain. Contradiction insurmontable qui grippe progressivement les ressorts de la romance au point de mener les deux personnages aux portes de la folie. Calvin étant présenté dès le départ comme un déséquilibré limite sociopathe qui s'interroge légitimement sur sa santé mentale quand il voit débarquer Ruby, il n'est guère étonnant qu'après une période fusionnelle de type lune de miel, celle-ci qui est aussi exubérante que lui est coincé commence à étouffer dans le huis-clos austère qu'il lui impose et veuille d'une autre vie. Avant une conclusion moins pessimiste qui rappelle celle de "Eternal sunshine of the spotless mind" (2004) (y compris dans la caractérisation des personnages et le caractère fantastico-romantique).
Si le film patine au peu au début, il surprend par ses changements de tons qui le font glisser de la comédie romantique vers le thriller psychologique dans lequel on sent poindre la pulsion de mort sous l'élan amoureux et la mélancolie sous l'euphorie. Il est intéressant également de souligner qu'il s'agit de la création d'un quatuor, un film fait à "deux fois deux" pour reprendre l'expression du journal Le Monde ou encore le film d'un couple sur un autre couple ou encore une mise en abyme du rapport entre créateurs et créatures. En effet ce qui a fait sortir les réalisateurs du syndrome de la page blanche au bout de six ans, c'est le scénario écrit par Zoe KAZAN*, compagne à la ville de Paul DANO qui est resté proche de ceux qui lui ont donné son premier rôle marquant au cinéma. Résultat, Paul DANO joue Calvin-Pygmalion dans le film alors que Zoe KAZAN interprète sa Galatée, Ruby. Soit l'inverse de la réalité ce qui je trouve ne manque pas de sel.
* Petite-fille du réalisateur Elia KAZAN.
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