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Chaleur et Poussière (Heat and Dust)

Publié le par Rosalie210

James Ivory (1983)

Chaleur et Poussière (Heat and Dust)

Avant de se focaliser dans les années quatre-vingts dix avec une finesse remarquable sur les moeurs exotiques de la société british d'avant-guerre dans ce qui constitue la partie de sa filmographie la plus connue et la plus primée, James IVORY a réalisé une importante oeuvre anglo-indienne sur une période allant du début des années soixante au début des années quatre-vingts. Il faut dire que James IVORY est indissociable de son producteur indien immigré à New-York Ismail MERCHANT passionné de cinéma et originaire de Mumbai, Mecque du cinéma bollywoodien ainsi que de l'écrivaine et scénariste Ruth PRAWER JHABVALA à l'identité encore plus complexe (allemande mais élevée en Angleterre et mariée à un indien). Les films issus de ce trio et de leur société de production, Merchant Ivory Productions (MIP) portent donc logiquement la marque de leur collaboration multiculturelle.

"Chaleur et Poussière" est le dernier film de cette mouvance anglo-indienne du cinéma d'Ivory. Le scénario est écrit par Ruth PRAWER JHABVALA qui adapte son propre roman au titre éponyme. Il n'est guère surprenant que l'histoire qui se déroule sur deux périodes distinctes (les années 20 quand l'Empire britannique était encore puissant et les années 80) se focalise sur deux femmes occidentales unies par un lien de parenté (la première est la grand-tante de la seconde) et une communauté de destin. Bien que les allers-retours entre les deux époques se fassent avec beaucoup de fluidité et d'élégance, c'est la partie coloniale que j'ai trouvé de loin la plus intéressante. Comme dans tous ses films historiques, James IVORY va au-delà de la reconstitution académique pour sonder la vérité profonde des êtres. L'insistance lourde avec laquelle Douglas (Christopher CAZENOVE), petit fonctionnaire en poste à Sitapur tente d'éloigner son épouse Olivia (Greta SCACCHI) avec la complicité de toute la communauté et la résistance de celle-ci montrent que ce n'est pas tant la chaleur du climat qui est le fond du problème mais plutôt celui du corps d'Olivia, attirée par le prince indien local (Shashi KAPOOR). Ce dernier utilise d'ailleurs lui-même ce corps comme moyen de résistance et outil de vengeance face à l'impérialisme britannique qui le démet peu à peu de ses pouvoirs et donc de sa virilité. Le politique et l'intime ne font ainsi plus qu'un, comme ce sera également le cas dans "Les Vestiges du jour" (1993). La partie moderne, plus apaisée ne contient pas de tels enjeux conflictuels politiques ou civilisationnels*. Elle est nettement plus individualiste, à l'image de l'évolution des sociétés. Néanmoins, la quête d'identité du personnage d'Anne (Julie CHRISTIE) qui suit les traces de son aïeule ne manque pas d'intérêt notamment parce qu'elle rencontre des gens comme elle, en quête de sens à leur existence pour qui l'Inde fait figure de Graal. Contrairement à sa grand-tante qui subit une "mise à mort sociale", Anne choisit de vivre en marge avec le fruit de son amour éphémère pour un indien.

* Le racisme anglo-saxon, fondé sur la biologie ou plutôt le fantasme de la pureté du sang exècre le métissage. Par conséquent, il n'est guère étonnant que l'obsession des colons tourne autour de la protection de leurs femmes car il est dit dans le film que les indiens ne rêvent que d'une chose "le faire" avec une blanche. Crainte que l'on retrouve à l'identique aux Etats-Unis à la même époque.

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