Poetry (Shi)
Lee Chang-Dong (2009)
"Poetry" est l'histoire d'une héroïne ordinaire. Une sorte de "grand-mère courage" prise dans une situation inextricable mais qui se débat et finit par en sortir par le haut. Autour d'elle, les relations humaines se caractérisent par leur médiocrité voire leur caractère sordide. Pour leur échapper, Mija se réfugie dans un club de poésie. Elle aimerait écrire mais avec tout ce qui lui arrive (et pompe son énergie vitale, la tire vers le bas), elle n'y arrive pas. Elle y arrive d'autant moins qu'elle perd peu à peu la mémoire des mots, étant atteinte d'un début de maladie d'Azheimer. Elle tente aussi le réconfort de la religion mais on la regarde avec désapprobation. Elle est en effet enchaînée au crime commis par son petit-fils qui vit chez elle et elle subit les pressions incessantes de la part des autres parents des gamins impliqués dans le viol collectif (suivi du suicide) d'une collégienne. Tous des hommes qui ne cherchent qu'à étouffer l'affaire en indemnisant la mère de la victime et en évitant les fuites dans la presse. Tout son corps désapprouve au point qu'elle ne peut pas rester plus de quelques minutes dans le même espace qu'eux (façon de dire qu'elle ne peut pas les sentir). De même et sans rien en laisser paraître, elle résiste à leurs injonctions. Devant la mère de la victime qu'ils l'ont forcé à rencontrer, espérant ainsi l'amadouer, elle n'échange que sur de belles choses, gratuitement, et se fait ainsi l'air de rien son alliée contre le club des riches mâles séouliens qui veulent l'acheter (le sexisme se double en effet de la différence de classe sociale, la mère de l'adolescente suicidée étant agricultrice). Mija s'identifie en effet à la jeune fille morte alors que toute communication avec son petit-fils s'avère impossible (un abruti que la culpabilité n'étouffe pas et dont le comportement chez sa grand-mère oscille entre la larve et le porc) et qu'elle ne peut compter sur personne puisque sa fille avec laquelle est est en mauvais terme lui a abandonné l'enfant. Mais Mija dans toute cette désespérance suit une lumière intérieure et finit par rencontrer une porte de sortie dans son club de poésie. Ironiquement, le flic aux textes grivois lui inspire d'abord de l'antipathie avant qu'elle n'apprenne ses actions anticorruptions qui vont à l'opposé de tout ce qu'elle a rencontré jusque là. Lee Chang Dong travaillant beaucoup dans la soustraction c'est à dire le hors champ dans un climat de pudeur et de retenue, on ne saura jamais ce qui s'est passé ensuite sauf que l'on en voit le résultat: le rétablissement d'une justice et la libération d'une voix que l'on a tenté de réduire au silence. Pas seulement celle de Mija mais aussi celle de la jeune fille suicidée qu'elle porte en elle. Donc oui, le titre a raison, c'est la poésie qui triomphe.
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