A.K.: Akira Kurosawa
Chris Marker (1985)
Chris Marker a consacré plusieurs documentaires au Japon, l'une de ses terres de prédilection*: "Le mystère Koumiko" en 1965, le magnifique "Sans soleil" en 1982 et donc "A.K.", les initiales de Akira Kurosawa qu'il a pu filmer en train de tourner les séquences lunaires de "Ran" sur les pentes du mont Fuji en 1984. Mi portrait, mi journal de bord, "A.K." tire son originalité de sa forme. Il est en effet découpé en petites séquences avec un titre écrit en kanji qui au-delà de la description des méthodes du "maître" ("sensei" en japonais) invite à méditer sur sa capacité à faire avec l'imprévisibilité des éléments naturels, "cette beauté qui n'était pas la sienne" et qu'il sait pourtant admirablement capter. L'un des chapitres s'intitule en effet "patience", un autre "pluie", un autre "feu" et encore un autre "brouillard". Par contraste, une séquence que Chris Marker intitule "laque et or" d'après une technique décorative japonaise et qui se caractérise par sa complète artificialité (lune de Méliès dessinée par Kurosawa lui-même et épis peints en dorés) sera coupée au montage, sans doute justement parce qu'elle devait trop jurer avec le reste et ce bien qu'il y ait nombre de trucages disséminés dans le film. Le passé d'Akira Kurosawa est également évoqué quand il peut éclairer le présent, que ce soit un événement traumatique ayant eu lieu en 1923 et ayant pu lui inspirer la grande scène de massacre au milieu du film ou ses débuts en tant qu'assistant au travers de son amour des chevaux ou encore les films ayant pu préfigurer "Ran" comme "Le Château de l'araignée". Le résultat est un making of atypique assez aride et énigmatique mais qui rend bien compte de la démesure d'une telle entreprise que seul un génie du cinéma pouvait accomplir. On peut reprocher à Marker son admiration absolue pour Kurosawa mais au vu du chef d'oeuvre qu'est "Ran" et du travail titanesque qu'il a demandé, on ne peut qu'éprouver un profond respect et accepter de remettre la dimension critique à plus tard.
* Un bar de Golden Gai dans le quartier de Shinjuku à Tokyo s'appelle "La Jetée" d'après son œuvre la plus célèbre.
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