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Le Deuxième souffle

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Melville (1966)

Le Deuxième souffle

C'est par le cinéma asiatique (plus précisément celui de Hong-Kong) que j'ai découvert Jean-Pierre MELVILLE même s'il a tout autant influencé les cinéastes américains (Quentin TARANTINO et Martin SCORSESE par exemple). Le cinéaste français partage en effet avec ses homologues asiatiques un style épuré, stylisé jusqu'à l'abstraction qui vaut aussi pour des personnages "silhouettes" "agis" par un code moral archaïque qui les dépasse et transforme leur destin en "fatum" tout en les hissant, quels que soit la gravité de leurs actes, au niveau de la tragédie antique. Le personnage-silhouette (que certains appellent aussi "l'homme portemanteau" ou encore "l'homme-machine") fait d'ailleurs penser aux masques et parures que l'on trouve dans le théâtre grec ou le théâtre traditionnel japonais. Et puis qui dit dépouillement dit également silence, le premier long-métrage de Jean-Pierre MELVILLE était d'ailleurs une adaptation du livre de Vercors "Le Silence de la mer (1949)". Les personnages melvillien s'expriment davantage par de longs regards insaisissables (par exemple celui que Simone SIGNORET jette à ses camarades juste avant qu'ils ne la tuent dans "L Armée des ombres" (1969) est sujet à de multiples interprétations) que par les mots.

Tout cela, on le retrouve dans "Le deuxième souffle" son dernier film tourné en noir et blanc. Un monde de truands régi par des règles implicites où la parole est rare parce que chaque mot compte*. Le commissaire Blot (Paul MEURISSE) tranche encore avec le mutisme des gangsters mais c'est pour distiller sur ce monde parallèle une tranchante ironie. On y retrouve aussi la solitude propre au héros melvillien qui oscille entre des intérieurs (souvent des planques) vides et délabrés aux allures de cellule de prison et des extérieurs quelque peu déréalisés par leur réduction à des formes géométriques dans lesquels les corps effectuent des actions machinales. La scène du casse par exemple met en avant le décor aussi aride que spectaculaire de la route des Crêtes (entre la Ciotat et Cassis) tout en courbes et une gestion du temps qui fait la part belle à l'attente contemplative qui précède l'action plus qu'à l'action elle-même.

* "Alors maintenant, dans ce milieu pourri, la parole d'un homme comme moi, c'est zéro ! Qui tu es toi, qui parles, qui parles, qui dis connerie sur connerie ?" s"écrie Gu (Lino VENTURA) dont le parcours est jonché de cadavres mais qui ne supporte pas qu'on le fasse passer pour celui qui balance les copains.

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