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La Glace à trois faces

Publié le par Rosalie210

Jean Epstein (1927)

La Glace à trois faces


Trois femmes très différentes se souviennent d'un homme insaisissable qu'elles ont aimé mais qui leur a filé entre les doigts avant de se fracasser quelque part sur une route vers la Normandie. Cette adaptation de la nouvelle éponyme de Paul Morand par Jean EPSTEIN ressemble à un puzzle. Elle épouse l'aspect fragmentaire d'un récit reposant sur trois témoignages rétrospectifs forcément parcellaires car d'une part intimement liés à la perception de celle qui le donne et d'autre part retravaillés par leur mémoire à la lumière du temps passé et des événements dramatiques survenus depuis. Néanmoins ce qui ressort c'est le caractère évanescent et fuyant du jeune homme dont on n'apprend pas grand-chose au final sinon qu'il préfère la liberté (laquelle se confond pour lui avec la vitesse) plutôt que l'engagement avec une femme. Chaque témoignage se conclue en effet invariablement par un mot de rupture écrit par le jeune homme qui qualifie sa première conquête, une bourgeoise anglaise prénommée Pearl de "démodée", la seconde, une artiste prénommée Athalia à l'inverse le perd en cours de route (au sens figuré!) et pour la troisième, une ouvrière calme et mélancolique prénommée Lucie, il prétend avoir une urgence. Ce n'est pas le seul point commun des trois récits, la présence d'un confident qui recueille le témoignage fait également le lien ainsi que des "flashs" étranges sur des lignes électriques et des oiseaux posés dessus ainsi qu'un bolide sortant d'un parking et filant à toute allure, flashs qui ne prennent tout leur sens qu'à la fin quand les trois récits se rejoignent autour du même drame, filmé comme s'il y avait un passager dans la voiture. J'aime beaucoup la façon dont le rythme du film s'emballe en même temps que l'ivresse du jeune homme avec des travellings et un montage de plus en plus nerveux avec des inserts sur des panneaux annonçant le danger. Bref c'est immersif et diablement efficace (on savait déjà l'être en 1927, Nicolas WINDING REFN n'a rien inventé avec son "Drive") (2011)! Et la dernière image en surimpression évoquant un fantôme vu à travers un prisme (les "trois faces" du titre) avant de s'évanouir pour toujours est très évocatrice de l'ensemble du film.

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