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Les Chemins de la Haute Ville (Room at the Top)

Publié le par Rosalie210

Jack Clayton (1958)

Les Chemins de la Haute Ville (Room at the Top)

Le triomphe récent de "Parasite" (2019) a mis en lumière une dichotomie socio-spatiale entre les quartiers huppés situés sur les hauteurs et les bas-fonds prolétaires qui réactive celle que l'on trouvait déjà chez Akira KUROSAWA dans "Entre le ciel et l'enfer" (1963). Cette opposition de classe très géographiquement marquée se retrouve en Angleterre. Comme son titre l'indique "Les Chemins de la Haute Ville" (1958) est fondé sur un schéma assez similaire, celui d'un jeune homme pauvre mais ambitieux qui cherche à séduire la fille d'une famille fortunée pour grimper les échelons de la société. Il a servi de base au scénario de "Match point" (2005). En effet, comme dans le film de Woody ALLEN les ambitions de Joe sont contrariées par ses sentiments. Parallèlement à la cour assidue qu'il fait à la jeune Susan qu'il n'aime pas mais dont il a besoin pour se réaliser socialement il entame une liaison avec une femme plus âgée que lui et malheureuse dans son mariage. Certains pensent que le puritanisme anglais explique le choix d'une actrice française, Simone SIGNORET pour interpréter un rôle jugé sulfureux. Sauf que sa composition est bouleversante et échappe à tous les clichés (Simone SIGNORET a reçu un Oscar mérité pour ce rôle). Alice est une femme blessée et en manque d'amour mais elle a aussi une forte présence, une grande franchise et est d'une étonnante modernité. Il faut voir comment elle remet en place Joe qui lui fait une scène parce qu'elle a posé nue pour un peintre dans sa jeunesse ce à quoi elle rétorque que son corps est à elle.

Cependant Laurence HARVEY compose un Joe qui échappe au manichéisme. Sa motivation principale qui nous est signifiée dès le plan initial (un gros plan sur ses chaussettes élimées qu'il cache dans des chaussures impeccables) cache un profond sentiment de honte né dans les ruines de la guerre et une détestation de soi masochiste et autodestructrice. Sa conquête de Susan est ponctuée d'humiliations qui alimentent sa rage de parvenu alors qu'il renonce à l'amour vrai qu'il ressent pour Alice, un amour qui n'entre pas dans la norme et qui ne peut donc le servir. Reste alors la culpabilité et le sentiment amer d'avoir gâché sa vie. La réussite matérielle de Joe l'enfonce encore plus dans la haine de soi et l'une des dernières scènes dans laquelle il se laisse tabasser et traîner dans la boue sans réagir est extrêmement significative.

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