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Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor)

Publié le par Rosalie210

Jerry Lewis (1963)

Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor)

Cette variation comique autour du célèbre roman de Robert Louis Stevenson rend hommage aux adaptations cinématographiques qui l'ont précédée (avec notamment un clin d'œil à la version de Victor Fleming lors de la scène de la transformation) pour mieux s'en distinguer par la suite en explorant de nouvelles facettes du mythe, celui-ci étant plastique par essence.  Le génie comique étant fondé sur la subversion, l'originalité apportée par Jerry Lewis consiste à dissocier la monstruosité physique de la monstruosité morale. Le docteur Kelp, gentil mais timide, maladroit et complexé souffre d'une apparence disgracieuse et se fait humilier par tout le monde alors que son double maléfique, Buddy Love est un crooner gominé arrogant et macho (Dean Martin, sort de ce corps!*) qui a le dessus sur tous ses interlocuteurs et les humilie à son tour. Le beau et le bien ne se confondent plus et le discours final de Kelp (à teneur autobiographique*) a valeur de manifeste sur l'acceptation de soi quel que soit ce "soi". En effet -et c'est cela qui est très juste et échappe au discours convenu sur la question- il est précisé dans le scénario qu'il est finalement plus épanouissant d'investir le soi que l'on est au quotidien plutôt que de se dédoubler ce qui revient à parler des bienfaits de l'intégrité. La performance de Jerry Lewis dans le double rôle est digne des plus grands transformistes et le travelling génial révélant Buddy Love produit un effet de sidération qui provoque immanquablement le rire. L'autre singularité du film est son utilisation brillante de la couleur qui en fait une œuvre de pop art que l'on peut aussi bien rattacher à l'art de la BD qu'à celui du cartoon, genre auquel le film se réfère explicitement par exemple lorsque Kelp s'essaie à la musculation et que ses bras s'allongent démesurément. Enfin Stella Purdy, l'étudiante dont le professeur Kelp est amoureux est joué par Stella Stevens qui offre une prestation certes plus légère que dans "Too Late Blues" de John Cassavetes mais tout aussi magnétique sur un air de "viens petite fille dans mon comic strip, viens faire des bulles, viens faire des wip, des clic crap, des bang, des vlop et des zip ^^^^". Car il existe un point commun entre les deux films: la quête d'une authenticité par-delà les apparences. La dernière séquence du film rend d'ailleurs hommage à Charles Chaplin.

*Pour mieux comprendre le film, il faut rappeler que Jerry Lewis connut aux Etats-Unis dans les années 1955-1960 un grand succès en compagnie de Dean Martin au travers de nombreux films comiques. Ceux-ci proposaient un schéma identique. Au sein de leur duo, il jouait le rôle ingrat de l'ahuri (abruti) de service servant de faire-valoir à Dean Martin qui était le chanteur de charme à la voix de velours, irrésistible tombeur de ces dames. Il est naturel que Jerry Lewis en ait conçu quelque amertume. D'ailleurs le duo finit par se séparer. "Docteur Jerry et Mister Love" a donc un parfum de revanche pour lui.

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