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La Chienne

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1931)

La Chienne

Deuxième film parlant de Jean Renoir après "On purge bébé", "La Chienne" est adaptée d'un roman de Georges de la Fouchardière. C'est une comédie humaine grinçante avec une dimension tragique sous-jacente ou s'entrechoquent la théâtralité et un réalisme cinématographique quasi-documentaire obtenu par un tournage en décors naturels et une prise de son directe qui renforce encore l'impression de véracité des images en y ajoutant des sons qui les environnent. Cette authenticité contraste avec l'artificialité des rapports humains dans le film qui est soulignée dès le début avec la métaphore du théâtre de guignol. Les personnages sont en effet des pantins sociaux, la palme de la bêtise crasse étant remportée par Lulu (Janie Marèse) la prostituée folle de son Dédé (Georges Flamant) qui la tabasse et l'exploite mais en parfaite masochiste bavant devant la domination masculine elle en redemande. De façon plus générale, les femmes dans le film se pâment d'extase devant la force brute qui représentent selon elles le summum de la virilité (militaire, proxénète, j'aime bien ce rapprochement provocateur ^^) et crachent leur mépris à la face des poètes considérés avant tout comme des faibles. Toute sa colère et sa haine, Lulu les réserve en effet à Maurice Legrand (Michel Simon) qui l'entretient mais qui a le tort d'être vieux et terne. Il mène une petite vie obscure d'employé mal marié à une atroce mégère (Magdeleine Bérubet) dont il s'évade par cette relation extra-conjugale et par son activité d'artiste-peintre ("seuls l'art et l'amour rendent cette existence tolérable" disait Somerset Maugham). Son malheur, Guignol le souligne, c'est de s'être fait "une culture intellectuelle et sentimentale au-dessus du milieu dans lequel il évolue, de telle sorte que dans ce milieu, il a exactement l'air d'un imbécile." Le tragique de l'histoire provient effectivement de l'absolue médiocrité de son entourage petit-bourgeois (patrons, collègues, épouse) ventre à terre devant le veau d'or (ou plutôt devant le dieu argent ^^) et dont la bassesse se manifeste à son égard par des moqueries ou de l'exploitation. Suprême ironie de l'histoire, il ne parvient à trouver la paix et la liberté qu'en s'excluant de la société, tout d'abord par le vol et la tromperie puis en étant poussé au crime et enfin en se faisant clochard. Jean Renoir pose ainsi un jalon essentiel de sa critique sociale à tendance anarchisante avec ce film qui est aussi une puissante déclaration d'amour aux artistes (à commencer par son grand-père Auguste). C'est son supplément d'âme par rapport au remake de Fritz Lang, "La Rue rouge" (1945).

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