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Mad Max: Fury Road

Publié le par Rosalie210

George Miller (2015)

Mad Max: Fury Road

George MILLER est décidément un cinéaste très intelligent. Et cette intelligence transparaît dans "Mad Max: Fury Road" qui est à la fois une mise à jour à l'aune des enjeux contemporains et un retour aux sources ayant abreuvé la saga.

Le retour en arrière va bien plus loin que l'époque de saga elle-même. L'introduction du film m'a fait penser à une version 2.0 de "Cops" (1922) le court-métrage de Buster KEATON car la course-poursuite à pied s'y termine exactement de la même façon: Max finit avalé par ceux qui le poursuivent. Il en tire d'ailleurs un enseignement qu'il transmet à la fin d'une autre course-poursuite du film: la fuite en avant n'a pas d'issue, il faut affronter l'ici et le maintenant. En version écologiste cela donne un message du type "Cessez de rêver à une hypothétique terre promise, elle n'existe pas. La destruction de la terre est globale et nous n'avons pas de planète de rechange. Mieux vaut faire demi-tour et tenter de se battre pour reconstruire sur des bases plus saines à partir de ce qui existe encore". Il y a aussi dans "Mad Max: Fury Road" un hommage appuyé de George MILLER au premier film de son compatriote Peter WEIR, "Les Voitures qui ont mangé Paris" (1974) qui préfigurait le premier "Mad Max" (1979). La voiture customisée iconique du film de Peter WEIR, la Volkswagen de type 1 hérissées de dards fait en effet une apparition spectaculaire en horde dans l'une des courses-poursuites du film de George MILLER.

Réactualisation formelle et thématique d'autre part car plus d'une génération s'est écoulée depuis le dernier film "Mad Max 3 : Au-delà du Dôme du Tonnerre" (1985).

Sur le plan technologique, les images de synthèse sont devenues incontournables pour ce type de cinéma mais c'est dans leur utilisation que George MILLER marque vraiment sa différence avec la production mainstream. Une des raisons de la valeur intrinsèque de la saga réside dans ses scènes d'action en prise avec la réalité. Dans les années 70 et 80, il n'y avait pas le choix. Mais aujourd'hui, tourner avec de véritables véhicules et des cascadeurs relève non seulement d'un choix mais d'un manifeste, comme Tom CRUISE dans saga "Mission Impossible" que l'on a également souvent comparé au plus grand casse-cou de l'histoire du cinéma, Buster KEATON (qui n'est pas seulement un incontournable du cinéma burlesque mais aussi du cinéma d'action et surtout de la philosophie du cinéma d'action!) Les effets spéciaux sont donc utilisés pour amplifier l'action humaine et non pour la remplacer. Beaucoup d'articles ont d'ailleurs souligné que "Mad Max: Fury Road" sans retouches numériques restait très impressionnant à voir (alors que les films 100% images de synthèse sont totalement ridicules une fois ceux-ci enlevés).

Sur le plan thématique, dans une saga post-apocalyptique où l'avenir paraît bouché, Miller fait sienne la devise selon laquelle "la femme est l'avenir de l'homme" et règle ainsi la délicate question de la succession de Mel GIBSON. En effet dans les précédents Mad Max, on pouvait entonner à la suite de Patrick Juvet la question "Où sont les femmes?" Bon il y en avait quand même quelques unes mais plutôt dans la position classique de la victime du prédateur masculin, si l'on excepte le rôle d'Entité joué (avec peu de réussite, il faut bien l'avouer) par Tina TURNER. Dans "Mad Max: Fury Road", il faut près de 40 minutes pour que l'on voit enfin le visage jusque là emprisonné dans une muselière de Tom HARDY si bien qu'on a eu largement le temps de le mettre de côté au profit de l'imperator Furiosa servie par une incroyable prestation de Charlize THERON. D'ailleurs celle-ci apparaît de plus en plus au cours du film comme un double féminin de Max, (même basculement du "côté obscur de la force", même quête de rédemption, même corps amoché et estropié), Imperator Furiosa étant par ailleurs une référence aux déesses de la vengeance romaines (les Furies). Max finit d'ailleurs par complètement s'effacer du paysage non sans avoir auparavant approfondi le lien gemellaire avec Furiosa par une transfusion sanguine qui lui permet au passage de retrouver son nom, lui qui avait perdu son identité à la fin du premier film.

Ce qui est tout aussi important pour le sens du film, c'est qu'en dépit de son apparence de camionneuse, Furiosa agit au nom de valeurs féministes. Il s'agit de libérer des jeunes femmes asservies par un tyran en état de décomposition avancé mais rêvant d'immortalité au point qu'il se fait nommer Immortan Joe (toute ressemblance avec des rockers sexa/septuagénaires en quête de jeunes mannequins à la chair fraîche n'est qu'une coïncidence purement fortuite ^^). Une fois de plus, il s'agit d'en finir avec le patriarcat et ses effets délétères (du capitalisme au jdihadisme). Splendid (l'une des jeunes esclaves sexuelles et mère porteuse d'Immortan Joe qui est joué, cela n'a échappé à personne par Hugh KEAYS-BYRNE, la terreur du premier "Mad Max") (1979) a tout à fait raison de lier la question féministe et la question écologiste, c'est bien l'homme -ou plutôt une certaine conception de ce que doit être un homme, dominant, conquérant, agressif- qui a tué le monde. Max aide ainsi Furiosa à prendre conscience qu'on ne pourra pas libérer les femmes (ni les hommes d'ailleurs comme le montre l'exemple de Nux joué par Nicholas HOULT qui redevient humain par la grâce d'un un simple regard compatissant posé sur lui) sans libérer la terre nourricière du joug de tous les Immortan Joe du monde.

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