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Les soeurs Brontë

Publié le par Rosalie210

André Téchiné (1979)

Les soeurs Brontë

"Les Sœurs Brontë" est un très beau film de André TÉCHINÉ, soutenu par une équipe technique de grande qualité (Pascal BONITZER au scénario, Bruno NUYTTEN à la photographie, Philippe SARDE à la musique) qu'il faut absolument redécouvrir. Il est aux sœurs Brontë ce que "2001, l'odyssée de l'espace" (1968) est… à l'espace. Autrement dit les partis pris de dépouillement extrême de l'intrigue comme du jeu peuvent déconcerter mais ils sont cohérents avec le sujet traité et ne cherchent pas à l'enjoliver artificiellement. Cette volonté d'authenticité a pour but de comprendre le lien entre la vie des sœurs Brontë et leur œuvre. Et effectivement, il apporte quelques éléments de réponse. Emily (jouée par Isabelle ADJANI à qui le rôle va à la perfection) est dépeinte comme le double de Catherine, son héroïne des "Hauts de Hurlevent". Sauvage, secrète, irascible et passionnée, on la voit arpenter la lande du Yorkshire en habits d'hommes. Son asociabilité et sa vie à l'écart du monde lui octroient une grande liberté doublée d'une proximité avec la nature. D'autre part le film répond à une question que se sont posés de nombreux spécialistes à savoir comment elle a pu raconter une histoire d'amour aussi puissante en n'en ayant pas vécue une elle-même. Le réponse semble se trouver dans sa relation fusionnelle avec son frère autodestructeur, Branwell (Pascal GREGGORY dont c'était le premier rôle important au cinéma) qu'elle suit comme son ombre et à qui elle ne survivra pas. Bien que n'ayant pas laissé d'œuvre en propre (on le voit symboliquement s'effacer du portrait familial), Branwell semble avoir été extrêmement important dans le processus créatif de ses sœurs et le film lui donne une grande place si ce n'est la première. Enfin, l'autre personnage important est bien évidemment l'aînée, Charlotte (Marie-France PISIER) plus mature et ouverte sur l'extérieur que le reste de la famille. Sans son intervention déterminante, les œuvres de ses sœurs n'auraient jamais été publiées. Elle prit également la décision de dévoiler à l'éditeur leur véritable identité (toutes trois avaient pris des pseudonymes masculins pour des raisons évidentes). Elle fut la seule à connaître le succès de son vivant et à avoir accès à une vie sociale et mondaine même si la scène de fin à l'opéra montre que sa simplicité est en décalage complet avec les codes en vigueur dans la bonne société. D'autre part, la genèse de "Jane Eyre" semble se trouver dans la passion non réciproque de Charlotte pour l'un de ses professeurs à Bruxelles bien plus âgé qu'elle, Constantin Heger (Xavier DEPRAZ) qui lui aurait inspiré le personnage de Rochester, elle-même s'étant dépeinte sous les traits de Jane (qui est d'ailleurs préceptrice, comme elle). Si Emily est en effet attirée par son frère, attirance qui est la colonne vertébrale de la relation Cathy-Heathcliff, Charlotte est en revanche attirée par des figures paternelles. Elle finit d'ailleurs par épouser le vicaire de ce dernier, M. Nicholls (Roland BERTIN). Reste la troisième sœur, Anne qui tout comme dans la réalité apparaît en retrait par rapport ses deux aînées, ses romans n'ayant pas connu le même succès et d'après les spécialistes, n'ayant pas la même qualité littéraire. Isabelle HUPPERT est tout à fait convaincante dans le rôle mais elle était en rivalité avec Isabelle ADJANI alors star montante comme elle ce qui rendait l'ambiance sur le plateau irrespirable. Cette absence de solidarité qui s'est manifestée jusqu'au festival de Cannes ne se ressent pas dans le film, mais celui-ci a été tout de même amputé d'une heure à la demande des producteurs et jamais restauré depuis, les scènes coupées ayant été définitivement perdues entre temps.

Les soeurs Brontë

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