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Jane B. par Agnès V.

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1985)

Jane B. par Agnès V.

Autoportrait déguisée en portrait, objet d'art déguisé en documentaire qui annonce "Les Plages d Agnès" (2007), l'autofiction de "Jane B. par Agnès V." est tout cela à la fois.

"Je est un autre". Même si ce n'est pas Rimbaud qui est cité dans le film mais Verlaine, la célèbre phrase extraite de la "lettre du Voyant" illustre bien la relation gémellaire qui s'est établie entre Jane BIRKIN et Agnès VARDA de 18 ans son aînée. Les deux femmes se sont rencontrées à la suite de la sortie de "Sans toit ni loi" (1985) qui a bouleversé Jane BIRKIN. Varda aime bien placer un objet clé pour le sens du film au fond du champ. Dans "Jane B. par Agnès V.", il s'agit bien évidemment d'un miroir dans lequel se mire Jane et se reflète Varda, un miroir dont l'encadrement a été récupéré par cette dernière lors de son installation rue Daguerre dans les années 50. Il y a également d'autres miroirs, déformants ceux-là au début du film accompagnés de la voix-off de Varda qui annonce qu'elle va se mettre dans la peau de de l'actrice-chanteuse, l'habiter de ses rêveries, ses mythologies, ses histoires de cinéma, tout ce qu'elle a dans la tête, s'amuser à la déguiser. Et pour finir, elle parodie la non moins célèbre maxime surréaliste d'André Breton "Tu es belle comme la rencontre fortuite sur une table de montage d'un androgyne tonique et d'une Eve en pâte à modeler". Une antinomie révélatrice: Birkin, association de contraires devient la muse malléable de Varda-Pygmalion, comme elle l'a été auparavant pour les artistes masculins et son androgynie révèle en même temps l'androgyne qui se cache en elle (androgynie que l'on retrouve également dans leurs partenaires masculins chez Serge GAINSBOURG comme chez Jacques DEMY).

"Jane B. par Agnès V." se présente par ailleurs comme un portrait décousu, fragmenté, déconstructiviste, un puzzle, un "film-kaléidoscope" fonctionnant par associations d'idées (les références au surréalisme fourmillent dans le film) dans lequel chaque petit fragment renvoie à une ou plusieurs œuvres d'art. On y trouve pêle-mêle des références littéraires et poétiques, des tableaux vivants avec Jane BIRKIN en Vénus d'Urbain et en servante du Titien, en Maja vestida/desnuda, en Jeanne d'arc, en Ariane, des sculptures de corps féminins et de petits courts-métrages faisant se télescoper quelques genres et artistes emblématiques de l'histoire du cinéma de Laurel et Hardy rebaptisés "Maurel et Lardy" dans la boulangerie de "Daguerréotypes" (1975) à Marilyn et Calamity Jane/Jane et Tarzan en passant par le film noir (avec la participation de Philippe LÉOTARD) et la nouvelle vague (avec la participation de Jean-Pierre LÉAUD) sans oublier les clins d'oeils à Jacques DEMY avec un âne et un casino rappelle "La Baie des Anges" (1962). Au centre du film, un tableau-clé, "La Visite" de Paul Delvaux évoque le tabou de l'inceste et renvoie à la gestation à deux voix du sulfureux "Kung-Fu Master" (1987) dans lequel "Mary-Jane" alias Jane BIRKIN a une liaison avec Julien alias Mathieu DEMY, le fils alors adolescent de Agnès VARDA et de Jacques DEMY.

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