Witness
Peter Weir (1985)
"Witness" est le premier film américain de Peter WEIR. Il n'en perd pas pour autant son regard singulier qui le pousse à s'intéresser à de micro-sociétés vivant en circuit fermé et selon leurs propres règles en marge de la civilisation dominante. Si ce n'était la faute de goût de la musique au synthétiseur qui trahit l'époque où a été tourné le film, celui-ci parvient à épouser la vision du monde d'une communauté qui vit hors du temps: les Amish. Les premières images entretiennent l'incertitude sur l'identité de ce groupe et l'époque dans laquelle il vit. On peut en effet les confondre dans un premier temps avec des juifs orthodoxes (une confusion commise d'ailleurs par le petit Samuel lorsqu'il recherche une silhouette familière dans la gare de Philadelphie) alors que leur anachronisme nous est révélé lorsque leurs carrioles à cheval se retrouvent sur la même route que les engins motorisés. On remarque également que les Amish ne parlent pas l'anglais mais un dialecte allemand issu de leur pays d'origine, la Suisse. Cette volonté de désorienter place le spectateur face à l'étrangeté d'un groupe autarcique dont la première règle est le refus de se conformer au monde qui l'entoure et qui exclue tous ceux qui ne s'y plient pas.
Cependant les films de Peter WEIR font en sorte que ces communautés fermées deviennent poreuses vis à vis de l'extérieur. Dans le cas de "Witness", c'est dans une gare, lieu de passage et de brassage que Samuel (Lukas HAAS), un enfant Amish qui s'est un peu éloigné se retrouve plongé bien malgré lui dans un règlement de comptes sanglant entre policiers véreux et policiers intègres. Il devient en quelque sorte leur otage, les premiers voulant l'éliminer et les seconds le protéger. C'est par ce biais que la violence s'infiltre dans une communauté qui a élevé le pacifisme au rang de dogme. La violence meurtrière mais aussi celle du désir. Car John Book, le policier intègre joué par Harrison FORD n'apporte pas seulement avec lui ses poings, son flingue et ses cartouches mais également son magnétisme animal débridé qui fait rapidement tourner la tête de Rachel (Kelly McGILLIS), la mère de Samuel. Le carcan religieux dans lequel elle a été élevé semble tout d'un coup bien dérisoire pour contenir la violence de ses pulsions. A l'inverse, l'expérience immersive vécue par John Book au sein de la communauté agit comme un retour aux sources. Peter WEIR a pu s'appuyer sur le passé de charpentier de Harrison FORD dont c'est le premier film intimiste pour nous offrir la très belle scène œcuménique de la construction de la grange qui frappe par son authenticité et son harmonie. Enfin, de façon plus anecdotique, c'est le premier film où apparaît Viggo MORTENSEN dans un rôle de figuration (il joue l'un des membres de la communauté).
Commenter cet article