Dans la ville blanche
Alain Tanner (1983)
"Dans la ville blanche" est un film essentiellement contemplatif, un film en "creux" propice aux réflexions et aux déambulations. On y voit un homme, Paul, mécanicien sur un bateau qui lors d'une escale à Lisbonne met sa vie entre parenthèses. Il déserte le navire, prend une chambre d'hôtel, et décide de se mettre en retrait du monde. Son impuissance éclate lors les rares événements qui l'affectent tel le vol de son portefeuille, son agression ou la disparition de Rosa qu'il est condamné à subir. Le rôle a été écrit spécifiquement pour Bruno GANZ et il est vrai qu'on reconnaît dans cette errance, cette introspection et cette crise existentielle nombre de films des années 80 où il a tourné depuis "Le Faussaire" (1981) jusqu'aux "Les Ailes du désir" (1987).
Il se dégage une certaine poésie de ce film notamment lorsque le réalisateur et son personnage filment les pulsations et les méandres de la ville, l'un en 35 mm et l'autre avec une caméra super 8. Mais son intérêt reste tout de même limité tant le travers de l'ego trip occidental masculin viril (comme dans "Le Faussaire") (1981) a tendance à tout recouvrir. Il y a un effet "posture" désagréable dans ce film où le personnage principal se regarde beaucoup trop filmer et s'écoute beaucoup trop penser. Paul est même un avant-gardiste du selfie et de la sex tape. Un personnage qui veut vraiment se perdre entre dans un pays "sans langage" comme le dit Travis dans "Paris, Texas" (1984)". Sans langage et sans miroirs. De ce point de vue, Paul échoue sur toute la ligne. Si Rosa prend le large en comprenant qu'elle n'a rien à attendre d'un homme indécis qui se laisse dériver sans but en contemplant son petit nombril, on plaint sa femme restée au pays qui n'est pour lui que le réceptacle de ses lettres et vidéos où il étale ses "réflexions" et "expériences" souvent à caractère sexuel sans tenir compte de ce que peut ressentir son destinataire (qui est furieuse mais le film survole le personnage). On comprend pourquoi il n'a guère envie de revenir chez lui et de se confronter au réel où il ne sera plus son propre centre (il casse d'ailleurs son miroir et vend ses enregistreurs vidéo juste avant de quitter son hôtel). Le film laisse percevoir cette dimension mais il n'a aucune vraie dimension critique, dommage.
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