Junon et le Paon (Juno and the Paycock)
Alfred Hitchcock (1930)
"Junon et le paon" souffre d'un double défaut: c'est l'adaptation d'une pièce de théâtre et il a été réalisé au début du parlant c'est à dire à une époque où la mobilité de la caméra était limitée. Le résultat ressemble à du théâtre filmé avec des longueurs et des acteurs qui parfois surjouent. Alfred HITCHCOCK n'aimait d'ailleurs pas ce film et avoue dans son entretien avec François TRUFFAUT (qui ne l'aimait pas non plus) que la pièce ne se prêtait pas à une transposition cinématographique. Si le film reçut à sa sortie d'excellentes critiques, c'est pour la qualité littéraire de la pièce et non pour sa qualité cinématographique. Le cinéma parlant était sans doute alors trop neuf pour permettre des critiques vraiment pertinentes. Si l'on ajoute que le son et l'image sont passablement altérés dans l'unique copie restante du film et qu'il n'est proposé (en version non restaurée) qu'en bonus de DVD, on comprend encore mieux qu'il fasse figure de vilain petit canard dans la filmographie de sir Alfred.
Mais en dépit du fait qu'il s'agit d'une oeuvre mineure et inaboutie elle mérite quand même d'être vue. Tout d'abord la pièce d'origine est une étude intéressante de la déréliction des liens familiaux sous l'effet de la misère et du malheur, l'histoire évoluant de la comédie vers une sombre tragédie. De ce fait, si j'ai eu du mal à entrer dans le film, celui-ci a fini par me captiver. Ensuite, Alfred HITCHCOCK s'est plus approprié la pièce qu'on ne le dit que ce soit dans le portrait d'une famille repliée sur elle-même et dysfonctionnelle, chaque personnage possédant son infirmité propre (le père mythomane, la mère abusive, le fils estropié, la fille perdue) ou dans son aspect métaphysique, la croyance en un dieu-sauveur débouchant sur un déluge de malheurs. D'ailleurs Alfred HITCHCOCK reconnaissait avoir réutilisé l'un des personnages de la pièce dans "Les Oiseaux" (1962) qui a une filiation certaine avec "Junon et le Paon" (mais on reconnaît également des aspects de "Psychose" (1960), "Fenêtre sur cour" (1954) ou "La Loi du silence) (1953)". Ensuite bien que trop rares, il y a tout de même quelques éclats cinématographiques de toute beauté au milieu de cet ensemble de scènes dialoguées statiques. Le film est ainsi ponctué d'entrées dans le champ ou de travellings sur le personnage de Johnny qui soulignent sa culpabilité dans une affaire de meurtre qui est plusieurs fois évoquée et qui est un ingrédient essentiel du drame. Parfois, ces mouvements du personnage ou de la caméra sont suivis du bruit de rafales de balles et d'un fondu au noir tout à fait éloquent.
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