Les Horizons morts
Jacques Demy (1951)
C'est le film de fin d'études de Jacques DEMY réalisé alors qu'il sortait de l'école de Vaugirard (l'Ecole nationale supérieure Louis Lumière à Paris aujourd'hui situé dans la Cité du cinéma à Saint-Denis). D'une durée de huit minutes il présente un intérêt certain pour ceux qui veulent mieux connaître le cinéaste. On y voit un jeune homme neurasthénique (Jacques DEMY lui-même qui au début de sa carrière interprétait parfois de petits rôles chez ses confrères tels François TRUFFAUT) errer misérablement dans sa chambre de bonne aux allures de taudis. Les films de cette époque comme "Pickpocket" (1959) sont la meilleure pîqure de rappel qui soit pour visualiser les conséquences de la crise du logement des années 50. Un rapide flasback nous permet de comprendre que c'est une trahison amoureuse qui est le déclencheur du désespoir du héros, lequel songe alors dans la plus pure tradition romantique au suicide.
En dépit du cadre minimaliste du film, le savoir-faire de Jacques DEMY dans l'utilisation du découpage des plans et du montage est déjà très élaboré. Surtout certaines thématiques propres à ce réalisateur émergent déjà. C'est d'ailleurs le principal intérêt de ces premières oeuvres de les présenter si crûment. Le plan sur la croix chrétienne qui fait renoncer le personnage à son envie de suicide traduit le poids de son éducation religieuse dans sa conscience. Une éducation qui a façonné son apparence physique de "premier communiant" jusqu'au moment où les ravages de la maladie dans les années 80 viendront fissurer cette apparence si lisse abritant une conscience tourmentée. La contradiction irréconciliable entre la morale (le surmoi) et les désirs (le ça) du cinéaste se retrouve dans tous ses films. On voit ainsi dans les "Horizons morts" le personnage aller sans arrêt de sa fenêtre au miroir et du miroir à la fenêtre, une alternance fondamentale de tout son cinéma qui oscille entre la chambre et le port: "Les Horizons morts tracent une frontière fondamentale du cinéma de Jacques Demy qui tangue du repli à l'évasion, du désir de se fuir et celui de se trouver. Avec ce doute infini dont tous ses films seraient au fond agités: des horizons enclos de la rêverie ou de ceux éperdus du voyage, lesquels sont mortifères?" (Camille Taboulay)
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