Le Dernier Round (Battling Butler)
Buster Keaton (1926)
Les films dits mineurs de Buster KEATON comme "Ma vache et moi" (1925), "Sportif par amour / Campus (1927)" ou ici "Le dernier round" sont certes beaucoup moins sophistiqués que ses chefs-d'œuvre mais ce sont de véritables petites pépites dans le domaine de l'étude de caractère et son incarnation corporelle. Buster KEATON joue le rôle d'un milliardaire, Alfred Butler, que son père envoie camper en pleine nature pour qu'il "apprenne la vie". Mais en parfait cousin du Rollo de "La Croisière du Navigator" (1923), Alfred est trop habitué à se faire servir par son majordome (Snitz EDWARDS) pour agir sur quoi que ce soit (comme le montre l'hilarante scène de chasse où les animaux folâtrent autour de lui mais il n'a pas l'idée d'en abattre un seul). Du moins jusqu'à ce qu'il ne tombe amoureux d'une fille des montagnes (Sally O NEIL) dont les frères exigent que l'époux soit un homme, un vrai. Par une heureuse (?) coïncidence, Alfred Butler a un homonyme (Francis McDONALD) et c'est un redoutable boxeur. Ne reste plus qu'à usurper son identité et le tour est joué, enfin presque car tôt ou tard survient le moment de vérité. Dans ce film inégal, c'est un moment particulièrement fort. Contrairement à "Charlot boxeur" (1915), Buster KEATON joue la carte du réalisme et de l'âpreté et le résultat est intense. Il encaisse, encaisse, encaisse et puis vient le moment où le trop-plein accumulé se transforme en révolte et en rage et où il rend tous les coups qu'il a reçu. Comme le disent les Inrockuptibles " Le règlement de comptes entre Keaton et le champion est montré dans toute sa laideur : corps qui tressaute, distorsion et froissement de la peau sous les coups, haine qui apparaît sur le visage. Dans Battling Butler, l'aspect burlesque s'efface clairement devant la dimension documentaire. Une constante chez Keaton, dont le point de départ des films (et parfois le déroulement entier) est toujours réaliste (…) Jamais, avant Battling Butler, on n'avait montré de manière aussi crue et réaliste la violence de la boxe et l'impact des coups de poings." Alors même si "Le dernier round" ne comporte pas de séquences spectaculaires, il n'en a pas moins une dimension physique saisissante, cette vérité du corps qui fait que même les films mineurs de Buster KEATON restent imprimés dans notre mémoire.
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