Astérix: Le Domaine des Dieux
Alexandre Astier et Louis Clichy (2014)
Contrairement à "Astérix: Le secret de la potion magique (2018)" qui s'appuie sur un scénario original, "Le Domaine des Dieux", la première réalisation des aventures d'Astérix par Alexandre ASTIER et Louis CLICHY est l'adaptation fidèle du dix-septième album de Uderzo et Goscinny sorti en 1971. Force est de constater la pertinence de ce choix tant la fable satirique de Goscinny s'avère plus que jamais d'actualité. C'est là une différence fondamentale avec le film de Alain CHABAT, drôlissime mais léger sur le fond. Ceux de Alexandre ASTIER sont plus engagés et permettent de penser notre monde de façon critique sous couvert de divertissement. Une démarche proche de celle des studios Pixar ce qui n'est guère surprenant vu que Louis CLICHY a participé au sein de leurs rangs à la création de "Wall-E" (2008) et "Là-haut" (2008) qui traitent de la résistance aux effets délétères du capitalisme. La perfection de la technique d'animation en 3D s'allie donc à ce qui est plus précieux que tout par les temps qui courent : la liberté d'esprit et la clairvoyance.
"Le Domaine des Dieux" est une satire des ravages du capitalisme mondialisé sur l'environnement local. S'y ajoute une critique du (post) colonialisme et du centralisme autoritaire de la V° République. Le "Je vous ai compris" de Abraracourcix résonne d'autant plus savoureusement que l'Algérie a été une colonie romaine (le chef des esclaves est d'ailleurs censé être un numide). Face à l'échec du hard power (l'offensive armée), César change de stratégie et choisit de vaincre les gaulois par le soft power de l'acculturation. La rhétorique de la mission civilisatrice des romains qui dompte la sauvagerie de la Gaule chevelue fait ressurgir l'histoire coloniale de la France et ce qui s'y est depuis substitué: l'aménagement du territoire décidé d'en haut contre le peuple d'en bas et contre la nature qu'un État technocrate décide de mettre au pas pour au final les détruire. Et tout cela au nom du dieu profit maquillé en "travailler plus pour gagner plus". Car le Domaine des Dieux n'est pas qu'une question de domination, c'est aussi une juteuse opération immobilière soutenue par une intense propagande publicitaire. La colonisation des corps (par le grignotage de l'espace vital) va de pair avec celle des cerveaux (par la corruption et la démagogie). Le village gaulois doit être détruit de l'extérieur et de l'intérieur. Il est significatif que seule une minorité garde sa lucidité face à un tel rouleau compresseur, les glands du renouveau puisant à la même source magique que ceux des Totoros de Hayao MIYAZAKI.
Commenter cet article