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Il était une fois en Amérique (Once upon a time in America)

Publié le par Rosalie210

Sergio Leone (1984)

Il était une fois en Amérique (Once upon a time in America)

"Il était une fois en Amérique", le film testamentaire de Sergio LEONE aurait pu tout aussi bien s'intituler "La vie est un songe". Son originalité tient au fait qu'il ne raconte pas cinquante ans de la vie d'un homme mais plutôt ce qui lui en reste au travers du prisme de ses souvenirs. Le film d'une mémoire sélective et orientée qu'il passe et repasse dans sa tête en fumant de l'opium. La forme, très proustienne, épouse cette temporalité éclatée, faite de réminiscences, d'ellipses et de moments dilatés. Ainsi 35 ans de sa vie se résument en une seule phrase évoquant l'incipit du premier roman de "A la recherche du temps perdu", "je me suis couché tôt" alors que des moments brefs comme la danse de Deborah ou la mort de Dominic sont devenus des instants d'éternité. Des sons et des images servent de sas temporels entre le présent et le passé: la sonnerie du téléphone, un trou dans les toilettes, une montre, un miroir, les phares d'un véhicule, une chanson (Yesterday des Beatles). La musique de Ennio MORRICONE contribue considérablement au halo de nostalgie qui imprègne le film.

Bien que non linéaire, le film reconstitue trois périodes de la vie de David Aaronson, surnommé Noodles (Robert De NIRO): son adolescence au début des années 20, son activité de jeune truand au début des années 30 et enfin le retour nostalgique sur les traces de son passé à la fin des années 60. Ses 12 ans d'emprisonnement et ses 35 ans d'exil constituant en revanche des trous noirs dans sa biographie.

La période la plus intéressante des trois est sans nul doute celle de la jeunesse dans le quartier juif new-yorkais du lower east side (celui dans lequel ont grandi à la même époque les Marx Brothers). L'étude sociologique et psychologique y est particulièrement poussée. Dans chacun des films de sa trilogie des "Il était une fois", Sergio LEONE filme la perte de l'innocence à travers l'assassinat d'un enfant. C'est la mort de cet enfant qui pousse David à tuer pour la première fois. On découvre en effet comment la délinquance est une pente naturelle dans un contexte alliant l'extrême pauvreté, l'abandon parental et l'injustice liée à la corruption des autorités symbolisées par un flic véreux. D'autre part et contrairement aux idées reçues selon lesquelles la corruption de la jeunesse daterait des images pornographiques de l'ère internet, la découverte de la sexualité chez les jeunes de cette époque se fait sur le mode sordide de la prostitution. Chez le héros, elle entraîne une dissociation destructrice entre l'amour et le sexe, les femmes étant soit des figures éthérées, soit des objets sexuels (le dualisme vierge/putain si caractéristique des sociétés patriarcales).

La période de la Prohibition permet aux activités mafieuses de la bande à Noodles de prospérer mais elle détruit ce qui lui reste d'idéaux et d'illusions, son côté sentimental s'avérant incompatible avec le milieu de la pègre. Les dissensions se creusent entre lui et son meilleur ami Max (James WOODS) dont les rêves de gloire et de fortune sont sans limites. C'est en voulant le sauver, lui et les autres membres de la bande que Noodles les trahit (ou plutôt croit les trahir) et perd tout. Il en va de même avec Deborah (Elizabeth McGOVERN) tout aussi ambitieuse et indépendante qu'il ne sait que posséder et non aimer, la faisant fuir. Enfin la période de vieillesse où il fait retour sur son passé est celle de la délivrance. Paradoxalement, en découvrant qu'il a été trahi et abusé, il éprouve un soulagement car il peut transférer sa culpabilité sur quelqu'un d'autre à savoir le sénateur Bailey en qui il refuse de reconnaître son ami Max, mort pour lui depuis des lustres.

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