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Taxi Téhéran (Taxi)

Publié le par Rosalie210

Jafar Panahi (2015)

Taxi Téhéran (Taxi)

"Taxi Téhéran" est un formidable témoignage du paradoxe dans lequel est plongé le cinéma iranien. D'un côté il existe dans ce pays une tradition d'éducation à l'image particulièrement poussée qui a fait éclore de grands cinéastes régulièrement primés dans les festivals. De l'autre, l'oppression du régime islamique sur le cinéma est très forte, imposant à l'ensemble du processus de création un code moral extrêmement contraignant et faisant peser sur les cinéastes comme sur le reste de la société une lourde chape de répression.

L'oppression subie par la société iranienne est plus que palpable dans "Taxi Téhéran". Il s'agit en effet d'un film réalisé clandestinement par un cinéaste, Jafar PANAHI qui depuis 2010 n'a plus le droit de réaliser des films, de donner des interviews et de quitter son pays. Face à ce verdict intolérable, Jafar PANAHI a choisi de résister pour ne pas se laisser détruire. Dans "Taxi Téhéran", il s'improvise chauffeur de taxi collectif afin de tromper les autorités mais aussi parce que l'habitacle du véhicule, intermédiaire entre public et privé est un espace de contact et de discussion idéal où la liberté est préservée. L'oppression du régime est évoquée également à la fin du film quand l'avocate Nasrin Sotoudeh spécialiste des droits de l'homme elle aussi interdite d'exercice de son métier monte à bord du véhicule pour donner des nouvelles de l'héroïne d'un ancien film de Jafar PANAHI, "Hors jeu" (2006) qui s'intéressait aux femmes qui bravent l'interdiction de se rendre dans un stade.

Car même s'il se nourrit d'une importante matière documentaire, "Taxi Téhéran" n'en est pas un. Plus exactement, il joue beaucoup sur la frontière ténue entre fiction et réalité. Ainsi on apprend assez vite que les clients du taxi sont en fait des acteurs non professionnels (dont l'anonymat a été préservé pour des raisons de sécurité). L'un d'entre eux démasque en effet le cinéaste et dévoile aussi le dispositif fictionnel du film. Cette volonté de transparence vis à vis du spectateur appuie le discours du film qui oppose les visées moralisatrices du régime à la responsabilité individuelle de juger du bien et du mal à travers le processus de création filmique. L'Etat définit des normes moralisatrices pour l'ensemble de la société qui s'appliquent également aux films "diffusables". Jafar PANAHI effectue une remarquable mise en abyme. Sa nièce munie de sa propre petite caméra doit réaliser un film selon ces normes. Elle se retrouve face à un petit voleur qu'elle essaye de moraliser pour fabriquer un héros positif recevable par les autorités islamiques. Bien entendu il refuse de rendre ce qu'il a pris et évoque pour sa défense les injustices sociales qui brouillent les frontières entre le bien et le mal. Il ne peut le faire que parce qu'il est filmé par Jafar PANAHI qui montre une réalité sociale là où sa nièce doit fabriquer de toutes pièces la fiction que veulent les autorités.

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